Dans sa dernière chronique “Lettre d’Asie”, David Baverez, membre du Conseil d’Orientation d’Asia Centre, apporte son analyse en ce qui concerne les avantages que représenterait, pour la Chine continentale, une victoire du Rassemblement national aux élections présidentielles.
Cette chronique est à retrouver sur le site du journal L’Opinion et dans le texte qui suit:
«Elire Marine Le Pen ferait le jeu de la Chine»– la chronique de David Baverez
Par David Baverez
Un rapide exercice de politique-fiction permet de dessiner les conséquences pour la Chine d’une élection de la candidate d’extrême droite. Le scénario serait loin de déplaire à Pékin, selon David Baverez.
Si la Chine a pour bonne manière de ne jamais se mêler des affaires intérieures des autres pays, elle n’en reste cependant pas insensible au résultat de l’élection présidentielle en France [1]. Trois éléments amènent à penser que Pékin verrait d’un œil particulièrement favorable une élection de la candidate du Rassemblement national.
D’abord sur le plan géopolitique. Le nouvel axe Pékin-Moscou, fondé sur une toute fraîche « amitié sans limite », pourrait se prolonger jusqu’à Paris, en s’appuyant sur la proximité déjà entretenue par Marine Le Pen avec Vladimir Poutine [2]. Au moment où la Chine affiche clairement sa volonté de construire une re-globalisation du monde reposant sur sa désoccidentalisation, l’empire du Milieu recherche toute source potentielle d’affaiblissement de l’Europe.
Le divorce du couple franco-allemand [3], inéluctable résultat d’une victoire de l’extrême droite, permettrait à Pékin de faire oublier ses tentatives infructueuses de séduction de certains pays d’Europe
de l’Est ou de l’Italie. Pour les dirigeants chinois, si Emmanuel Macron [4] fut le Président qui fit basculer la France définitivement dans l’Europe du Sud, Marine Le Pen serait idéalement la présidente
qui pourrait la brader à l’Est.
Ensuite sur le plan économique. La Chine sait à quel point la préférence nationale est une arme à double tranchant. Appliquée à l’espace d’un continent tel que l’empire du Milieu, elle permet de construire dans un premier temps une industrie locale, forte d’un avantage compétitif mondial, dopée par les économies d’échelle. Limitée à un pays de taille moyenne comme la France, elle débouche dans la durée sur le déclin assuré, parce qu’elle contribue à freiner l’innovation et la créativité.
De quoi réjouir les dirigeants chinois, qui ambitionnent de renforcer leurs gains de 5 points de parts de marché des exportations manufacturières mondiales réalisés en 2021 en pleine crise de la Covid ! De même, le programme de la candidate en matière d’amélioration de pouvoir d’achat – catalogue à la Prévert qui ne mentionne jamais la nécessaire recherche de productivité correspondante – ne pourra que réjouir Pékin, qui continue de penser que, pour la « prospérité commune », « une bouche, c’est aussi deux bras ».
Enfin, sur le plan financier. Quelle que soit l’issue du scrutin, Marine Le Pen aura remporté, d’après l’Institut Montaigne, la palme du programme de dépenses les moins financées. La « japonisation » rampante des finances publiques françaises conduirait nécessairement à la décrédibilisation accrue de l’euro. Cette perte de crédit contribuerait ainsi au renforcement relatif du renminbi, prolongeant son appréciation de déjà 30 % face à la monnaie européenne au cours de la dernière décennie.
La « chronique d’une paupérisation annoncée » des épargnants français, par des taux réels négatifs sans précédent sous la Ve République, permettrait au renminbi, de manière décisive, de mieux se préparer à s’imposer comme alternative au dollar. En conséquence, l’euro perdrait son statut de deuxième devise du commerce mondial, notamment dans les parties du globe les plus avides de de-dollarisation, à commencer par le Moyen-Orient.
Le programme est donc clairement annoncé : affaiblissement de l’Europe, accélération de la désindustrialisation [5], marginalisation de l’euro : « Pékin en a rêvé, Marine l’a proposé »… Aux Français de se réveiller !
David Baverez est investisseur, installé à Hong Kong depuis 2011. Il est l’auteur de _Chine-Europe : le grand tournant _(Le Passeur Éditeur, 2021).
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