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CA 22 – Les Relations sino-américaines au tournant de 2009 – Mars/Avr 2009

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Ce numéro de China Analysis est, lui, largement consacré aux relations sino-américaines et à la gestion des retombées de la crise globale, notamment sur le plan social. C’est en effet l’ensemble de la politique étrangère chinoise qui est implicitement reconnue comme dépendante des relations sino-américaines. L’analyse, pourtant préliminaire, du personnel de l’administration Obama est jugée favorable aux relations avec la Chine. Nous sommes au-delà du dilemme entre compétition et coopération : les experts cités ici semblent surtout désireux de figer dans des textes et des institutions une pratique constructive : approfondit les canaux techniques de la coopération, obtenir un « quatrième communiqué commun » : on devine que celui-ci, dans la lignée des trois célèbres communiqués de 1972, 1978 et 1982, ne peut que concerner Taiwan et entériner la voie de l’unification. Enfin il n’est plus question de termes grandiloquents pour qualifier la coopération sino-américaine. Loin de la notion de « partenariat stratégique », il importe de construire une « relation approfondie de partenariat responsable ». Les relations sino-américaines entraîneront le monde, concluent nos experts, dans ce qui ressemble bien à une apologie chinoise d’un « G2 », par ailleurs proposé par Zbigniew Brzezinski.

S’agit-il pour autant d’une politique extérieure conciliatrice et retenue ? D’autres analyses relevées dans les publications chinoises les plus récentes doivent dissiper l’illusion qui assimilerait la cogestion sino-américaine à une conversion libérale de la Chine. Une longue et précise analyse de la Chine en Amérique latine situe la barre bien plus haut. De backyard américain, l’Amérique latine serait en passe de devenir une arrière-cour chinoise ! Plus qu’audacieux, l’article va jusqu’à prôner une coopération militaire sino-américaine pour juguler les différends entre pays rivaux d’Amérique latine. Et il regorge de propositions de dialogue stratégique sur la région, parfois de façon trilatérale avec les Sud-Américains. On le voit, la coopération stratégique est plutôt située sur des terres de conquête pour la diplomatie et l’influence chinoises, que sur les zones où s’est longtemps exercée la politique américaine de containment de la Chine. En aurait-on un doute qu’il faudrait d’urgence passer à la lecture du dernier article de ce numéro, qui relate les causes d’un échec total des Etats-Unis face à la Corée du Nord. Pour apprécier l’humour peut-être involontaire de l’analyse, il faut se rappeler que la Chine n’a cessé de prêcher aux Etats-Unis les vertus du dialogue direct avec Pyongyang, de la modération, de la prise en compte des besoins de sécurité de la Corée du Nord, et s’est dérobée à toute sanction contraignante. Or que dit aujourd’hui notre source ? Que les Etats-Unis n’ont pas su maintenir face à Pyongyang des exigences minimales de négociation, permettant aux Nord-Coréens d’avancer et de reculer à leur guise. Que les Américains ont d’abord cru pouvoir acheter la Corée du Nord, puis la contraindre par… des sanctions non-contraignantes. C’est la Corée du Nord qui a su jouer de la « diplomatie de l’appât », car elle n’a jamais eu d’autre but que de devenir une puissance nucléaire militaire ! Ce statut est aujourd’hui atteint, et l’agressivité à l’égard de l’administration Obama serait essentiellement une phase de mise en condition. En somme, il aurait fallu ne pas suivre les conseils chinois tout au long du processus…

Il y a matière à réfléchir pour les Européens dans ces analyses. D’abord, parce que la seule polarité stratégique indiscutable, celle de la Chine face aux Etats-Unis, n’a plus besoin d’être ainsi dénommée. Les experts chinois appellent à un contenu plus concret, à des canaux de communication plus techniques. On est aux antipodes de la relation Chine-Europe, où l’emphase verbale n’empêche pas une réticence chinoise aux négociations de fond. Ensuite, parce que ce que l’expertise chinoise propose aux Etats-Unis sur l’Amérique latine devrait logiquement être accompli avec les Européens en Afrique : les intérêts diplomatiques, politiques, économiques et les préoccupations de sécurité s’y rencontrent bien plus encore qu’en Amérique latine. Mais l’Europe est politiquement plus faible que les Etats-Unis, la Chine a en Afrique des atouts plus concrets encore, et elle pourrait bien se dérober à un vrai partenariat sino-européen sur le continent africain. Enfin, les espoirs souvent mis par les Européens dans un rôle responsable et de soutien chinois – de la Birmanie au Soudan, en passant par l’Iran – doivent aussi être jaugés à l’aune de la prudence chinoise : si Pékin accepte une Corée du Nord nucléarisée et ironise sur les efforts américains, qu’en sera-t-il ailleurs, là où les retombées directes pour la Chine sont moindres encore.

C’est donc bien d’une excessive confiance en soi que partent ces analyses, qui dépeignent implicitement un monde occidental, et d’abord américain, sur la défensive. Ce climat est complètement déconnecté de celui de la politique intérieure dans ce même numéro ; où apparaissent les faiblesses chinoises : celles du plan de relance, celles du système social, par exemple. Cette contradiction peut se manifester dans les relations avec Taiwan, où l’un de nos contributeurs relève des erreurs de manoeuvre chinoises en 2008, toujours par excès de confiance. La suite des événements en 2009 révèle pourtant que sauf irruption d’une crise économique, la stratégie internationale offensive de la Chine impressionne ses partenaires.Comme l’ont relevé Elisabeth Economy et Adam Segal dans un article récent et déjà influent.

 

Sommaire

DOSSIER: LES RELATIONS SINO-AMERICAINES AU TOURNANT DE 2009 –

Stabiliser la tendance à la cogestion des affaires mondiales

Washington et Pékin s’interrogent sur le protocole de Kyoto

L’Amérique latine, l’arrière-cour de la Chine

Esquisse de reprise des relations militaires

– REPERES –

L’avenir de Xi Jinping

L’activisme diplomatico-économique de Pékin

Assemblée nationale populaire, conférence consultative : les débats

Réforme des retraites : un fonds de pension qui intègre la notion de travailleur migrant

Relations avec Taïwan : le rapprochement en question

– DECALAGES –

Les pourparlers à six ont facilité la nucléarisation de la Corée du Nord

– LA PRESSE DANS CE NUMERO –

Ont contribué à ce numéro : Camille Bondois, Valérie Demeure-Vallée, Hubert Kilian, Olivier Moncharmont, Thibaud Voïta

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