Le 11 mars dernier est encore bien dans les esprits au Japon mais aussi partout dans le monde, provoquant parfois incompréhensions et étonnements. Comment la population japonaise peut-elle montrer tant de calme face à cette catastrophe ? Pourquoi reconstruire et accepter de vivre dans une région si exposée aux risques naturels ? Pourquoi, encore, construire des centrales nucléaires sur une côte sujette aux tsunamis ?
Pour apporter des éléments de réponse aux interrogations actuelles, il est primordial d’apporter des précisions et des éclaircissements dans la confusion entrainée par l’effervescence médiatique et émotionnelle. Cela nécessite tout d’abord une analyse conceptuelle et empirique de la notion de risque au Japon, culturellement associée à une notion positive de bienfait. La gestion de ce risque, ou la prévention, par l’Etat japonais doit être aussi examinée : elle se traduit par une construction effrénée ainsi que par un travail de mémoire des catastrophes passées. Par ailleurs, la région du Tohoku, bien qu’étant au cœur de la tragédie du 11 mars, reste largement méconnue et des clarifications s’imposent pour comprendre la complexité de la situation locale. Quelles sont, au juste, les différentes zones touchées ? Quels sont pour chacune les enjeux démographiques, sociaux, culturels et économiques de la reconstruction, voire des reconstructions continuelles, sur cette côte nord-est ?
Le danger nucléaire a par ailleurs soulevé au Japon des protestations virulentes contre l’utilisation de l’énergie nucléaire. En 2005, un sismologue renommé évoquait pourtant déjà dans un discours devant la Commission du budget de la Chambre des représentants les dégâts que peut provoquer un séisme de grande envergure et soulignait entre autres la fragilisation des centrales nucléaires proches de l’épicentre. Un avertissement lourd de vérité après l’accident de Fukushima et sur lequel il est intéressant de revenir pour cerner la portée de ce débat international d’actualité. Pour finir, à l’heure où le gouvernement au pouvoir est plus que jamais affaibli suite à la catastrophe, l’article de Yamazaki Shû étudie avec un réalisme critique l’imbroglio politique du Japon, des responsabilités des gouvernements successifs aux faiblesses structurelles qui perdurent dans le système japonais.
Sommaire
– AVANT-PROPOS –
– ANALYSE DE L’ACTUALITÉ : PERCEPTION ET GESTION DU RISQUE AU JAPON –
La gestion sociale du risque au Japon (Raphaël Languillon-Aussel)
Tôhoku et Sanriku : Brève géographie d’une région silencieuse (Raphaël Languillon-Aussel)
– POINTS DE VUE D’ACTUALITÉ –
Ishibashi Katsuhiko, « L’imminence d’une période de forte activité séismique : un péril national encore inconnu jusque là – des mesures préventives technologiques des sinistres à une réforme radicale des politiques territoriales, et du système économique et sociétal » – Discours lors d’une audition publique à la Commission du budget de la Chambre des représentants- 162ème session de la Diète, 2005 (Traduction d’Amélie Corbel)
Yamazaki Shû, « Comment les politiques déclinent : l’alternance au pouvoir et l’amélioration des politiques gouvernementales » – article paru dans la revue Sekai – février 2011 (Traduction de Yann Favennec)