En 2014, l’Assemblée nationale a publié un rapport prédictif sur l’évolution de la population sud-coréenne. Celui-ci prévoyait la naissance du dernier Sud-Coréen, dans le Gyeonggi-do, en 2621. Il n’y aurait plus ensuite, au terme de l’existence de ce dernier, qu’à éteindre les lumières ! À un horizon aussi lointain, les projections démographiques relèvent avant tout de la futurologie. Cette anecdote confirme cependant le résultat des sondages d’opinion. Le vieillissement de la population est une préoccupation majeure pour huit Sud-Coréens sur dix. Sa vitesse est sans précédent. Alors que, en France, cent quinze années se sont écoulées pour que la part des plus de 60 ans passe de 6 à 12 %, cette évolution s’est faite en vingt années au Japon, et se fera en moins de vingt ans en Corée du Sud !
Ce rythme fait écho à celui de la transition démographique très rapide qui, entamée dans les années 1960, a fait brusquement chuter le taux de dépendance (rapport entre les inactifs – enfants et personnes âgées – et les actifs potentiels). L’économie sud-coréenne a alors bénéficié d‘un « dividende démographique » car, son industrialisation créant suffisamment d’emplois, elle a été en mesure d’« absorber » les jeunes qui ont afflué sur le marché du travail. Ayant atteint un maximum vers 1995, ce nombre a diminué depuis. À partir de 2020, le nombre des actifs potentiels se contractera tandis que les personnes âgées seront de plus en plus nombreuses, du fait de l’allongement de l’espérance de vie. À l’horizon 2040, un tiers de la population sud-coréenne aura plus de 65 ans.
Un vieillissement aussi rapide provoquera-til un collapsus de l’économie sud-coréenne dans la mesure où celle-ci sera confrontée à la réduction de sa population active, à une hausse des coûts salariaux, à un accroissement des charges sociales, et in fine à un ralentissement de la croissance et à une hausse de la dette publique ? Ce scénario n’est pas le seul envisageable. En effet, si la modification de la pyramide des âges est un processus lent, les comportements et les politiques peuvent évoluer rapidement. Certes le vieillissement diminue le nombre d’actifs potentiels. Cependant, cette catégorie ne doit pas être confondue avec la population actuellement au travail. C’est tout particulièrement le cas en Corée du Sud, où le taux d’activité des seniors est élevé car, nombreux à être incités à prendre leur retraite par les entreprises, les salariés continuent de travailler dans des activités à faible productivité. Des réformes peuvent potentiellement accroître ce taux de participation, notamment celui des femmes, si elles ont la possibilité d’allier vie de famille et activité professionnelle.
Sommaire
– Editorial –
– Dossier: DÉMOGRAPHIE –
La population de la Corée du Sud : évolutions récentes et principaux enjeux (Kim Doo-Sub)
Réponses politiques à la baisse de la fécondité et au vieillissement de la population en Corée du Sud (Kim Ik Ki)
Les femmes sud-coréennes face au vieillissement (Yang Yunjeong)
Les personnes âgées peuvent-elles compter sur le régime national de retraite ? (Anna Chung)
L’inquiétant taux de suicide des personnes âgées en Corée du Sud (Juliette Schwak)
– Décalage –
Entretien avec le docteur Jerome Kim, directeur général de l’Institut international sur le vaccin établi à Séoul (Antoine Bondaz)
Discours anti-coréens au Japon (Jean-François Heimburger)
La difficile émergence d’une société plurielle (Eric Bidet)
« Hell Chosun », expression de l’insatisfaction de la jeunesse sudcoréenne (Steven Denney)
« Louer des vies » ? Le travail forcé des Nord-Coréens (Remco Breuker et Imke van Gardingen)