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Un nouveau bureau de représentation taïwanais à Aix-en-Provence : une "distanciation politique" française vis-à-vis de la Chine ?

Taiwan

Jean-François Di Meglio, Président d’Asia Centre, et Maëlle Lefèvre, chargée de recherche à Asia Centre

Taiwan, île de 23 millions d’habitants, est un pays de facto indépendant mais réclamé par la République populaire de Chine qui considère depuis 1949 l’île comme faisant partie intégrante de son territoire, et qui promet de ramener de gré ou de force Formosa dans son giron. Plus récemment, les tensions entre Taiwan et la Chine s’étaient accentuées une fois Tsai Ing-wen élue au pouvoir en 2016 mais ont pris une nouvelle ampleur durant l’année 2020, notamment dans le cadre de la pandémie qui a renforcé de nombreux antagonismes, comme celui entre le régime démocratique taïwanais (voir à ce sujet l’article d’Asia Centre Taiwan, laboratoire de toutes les audaces) et l’autoritarisme chinois, que ce soit à travers la gestion de la pandémie ou la crise de Hong Kong. Les tensions se sont également renforcées entre les États-Unis et la Chine sur différents plans, et, par exemple en Indo-Pacifique, là où Taiwan occupe une position stratégique, seul verrou que la Chine doit faire sauter pour avoir un accès direct au Pacifique. Pour les États-Unis, la défense de Taiwan consiste également à protéger leurs propres intérêts dans la région et, surtout, la légitimité de leur présence militaire, notamment au Japon, en Corée du Sud ou encore aux Philippines. Ainsi, sans surprise, l’année 2020 a donné une visibilité inédite à l’île de Taiwan, du fait de sa victoire sanitaire mais aussi de son statut délicat, prise en étau entre les deux principales puissances mondiales.

L’année 2020 est également témoin d’une forme de rapprochement franco-taïwanais, sur le plan diplomatique et politique. L’année 2020 atteste aussi d’une méfiance française accrue vis-à-vis de la Chine sur plusieurs dossiers, les attentes parfois naïves de Paris ayant été remises en question par les bouleversements géopolitiques induits par le Covid-19 mais pas que. Enfin, l’année 2020 est sans aucun doute une année de prise de conscience par la France de la « plus-value » des démocraties asiatiques qui subsistent dans un monde où les régimes autoritaires s’affirment avec toujours plus d’audace et ne prennent plus la peine de cacher leurs ambitions hégémoniques.

La France, « l’embêteuse du monde »[1] mais surtout de la Chine lorsqu’elle se rapproche de Taiwan

Le mardi 25 août, le Ministère des Affaires étrangères taiwanais annonçait l’ouverture à Aix-en-Provence d’un deuxième bureau de représentation qui constituerait un consulat de facto. Il s’ajoute au bureau de représentation de Taipei installé à Paris depuis 1972 – d’abord sous le nom d’Association pour la Promotion des Échanges Commerciaux et Touristiques avec Taiwan (A.S.P.E.C.T.), puis sous le nom de Bureau de Représentation de Taipei en France à partir de 1995. La réaction de Pékin a été immédiate et la Chine a mis en garde Paris « contre tout contact avec un pays qu’elle considère comme faisant partie de la Chine »[2]. Il ne s’agit pas de la première menace chinoise vis-à-vis de la France dans le cadre des relations franco-taiwanaises.

Une tribune intitulée « l’OMS doit pleinement collaborer avec Taiwan »[3] a par exemple été publiée dans l’Obs le 31 mars 2020. Ce texte, signé par 72 parlementaires français, 48 parlementaires taiwanais et des personnalités du monde médical et universitaire avait ainsi provoqué la colère de Pékin et conduit à la dénonciation de ce texte par l’ambassadeur chinois en France Lu Shaye. Ce dernier déclarait ainsi dans une lettre publiée le 12 avril que les autorités taiwanaises, soutenues par les parlementaires français avaient insulté le directeur de l’OMS en employant « le mot « nègre » pour s’en prendre à lui ».

Alors que les tensions au cœur de l’Indo-Pacifique s’accentuaient (voir l’article d’Asia Centre : l’Indo-Pacifique au cœur du Covid-19 : une affirmation des blocs), la France signait également un contrat d’armement avec Taiwan (cependant mineur car d’une valeur plutôt faible de 24,6 millions d’euros) destiné à moderniser les systèmes de lanceurs de leurres Dagaie MK2 installés sur les frégates. Cet évènement intervenait en effet trente ans après la signature d’un contrat de vente de six frégates françaises à Taiwan en 1991, qui avait déjà affecté les relations France-Chine à l’époque. Sous la présidence de François Mitterrand, le contrat « Bravo B » signé le 31 août 1991 entre Thomson-CSF, l’ancêtre de Thalès, et la China Shipbuilding Corporation (CSBC) à valeur de 16 milliards de francs (environ 2,5 milliards d’euros) avait en effet conduit à une glaciation des relations franco-chinoises. Cet accord avait beaucoup fait parler de lui à l’époque, du fait des affaires de corruption révélées au cours d’enquêtes, avec le versement de commissions légales jusqu’en 2000 (estimées à près de 500 millions de francs, soit 80 millions d’euros), puis de rétro commissions passant par la Suisse, et des morts suspectes de différents acteurs impliqués dans la vente des frégates.  Les frégates au nombre de six avaient ensuite été livrées entre 1996 et 1998.

De même, le 7 avril 2019, des navires de guerre chinois avaient intercepté un bâtiment de la marine française, la frégate Vendémiaire, qui naviguait dans le détroit de Taiwan. Pékin considérait que le navire français avait pénétré dans les « eaux territoriales chinoises » sans autorisation tandis que Paris déclarait qu’il s’agissait d’une opération dans le cadre de la défense de la liberté de navigation[4]. Autant d’éléments qui montrent les crispations franco-chinoises autour de la question taïwanaise.

En réaction au récent contrat d’armement, Pékin adopta également un ton menaçant et demanda le 12 mai 2020 à la France de renoncer à ce contrat « pour ne pas nuire aux relations franco-chinoises ». De manière intéressante, la réponse de la France a été particulièrement ferme. Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères (et autrefois ministre de la Défense de 2012 à 2017, connu pour garder la main sur les ventes d’armes jusqu’à aujourd’hui) a été très clair : dans un communiqué publié le 13 mai 2020, le Quai d’Orsay a invité la Chine à se concentrer sur la crise du Covid-19 plutôt que sur une polémique ancienne, une manière de renvoyer l’ascenseur à la Chine qui n’a cessé de dire aux Européens de s’occuper de la pandémie plutôt que des affaires internes à Pékin.

Cette réponse directe et sans ambiguïté de Paris est d’autant plus importante qu’elle ne serait pas sûrement survenue quelques années plus tôt – en témoignent les importantes commissions versées au PCC dans les années 1990 pour éviter de froisser Pékin dans l’affaire des frégates – et semble traduire une évolution de la politique française vis-à-vis de la Chine, encouragée par la crise du Covid-19.

Des tensions franco-chinoises sur différents dossiers catalysées par la crise du Covid-19 et ses conséquences géopolitiques

Tensions en Indo-Pacifique : des alliés triés sur le volet

Avant la crise du Covid-19, la France avait déjà clarifié sa stratégie vis-à-vis de Pékin en Indo-Pacifique. Si l’on excepte le Royaume-Uni et ses opérations de liberté de navigation en coopération avec les Etats-Unis, ou l’Allemagne qui vient de définir le 2 septembre 2020 sa propre stratégie dans l’Indo-Pacifique, la France est en effet le seul pays européen à avoir des intérêts à défendre dans la région[5]. Le 2 mai 2018, lors de son discours à la base navale de Garden Island à Sydney, Emmanuel Macron avait ainsi défini la stratégie française en « Indo-Pacifique » et non plus en « Asie-Pacifique », et appelé à la mise en place d’un axe Paris-Delhi-Canberra, pour contrer, sans la mentionner explicitement toutefois, la posture agressive chinoise. Lors de son discours à Nouméa le 5 mai 2018, Emmanuel Macron a également rappelé l’importance de cet axe entre la France, l’Inde et l’Australie et qui « se prolonge de Papeete à Nouméa »[6]. Bien que choisissant soigneusement ses mots, Emmanuel Macron avait ensuite ajouté : « La Chine est en train de construire son hégémonie pas à pas. Il ne s’agit pas de soulever les peurs, mais de regarder la réalité. […] Si nous ne nous organisons pas, ce sera quand même bientôt une hégémonie qui réduira nos libertés, nos opportunités, et que nous subirons. »[7] Il est clair qu’en termes de partenaires, la France a choisi son camp et a tout misé sur les démocraties impliquées dans cette zone maritime : le 11 février 2019, Canberra et Paris signaient ainsi un contrat de pas moins de 50 milliards de dollars destinés à la construction de 12 sous-marins pour la marine australienne, le « plus important investissement consenti en matière de défense en temps de paix par l’Australie »[8], s’est félicité le Premier ministre Scott Morrison auprès de Florence Parly, alors ministre française des Armées. Autres démocraties et partenaires stratégiques au sein de l’Indo-Pacifique : le Japon[9] et l’Inde qui, fin juillet 2020, prenait possession de ses premiers Rafale sortis des chaînes de Dassault Aviation. En septembre 2016, l’Indian Air Force en avait commandé 36 pour 590 milliards de roupies (soit 8 milliards d’euros au taux de change de l’époque)[10]. Plus récemment, Florence Parly s’est rendue en Inde pour la troisième fois le 10 septembre 2020 afin de célébrer la livraison des cinq premiers Rafale et d’assister à une démonstration de l’avion français sur la base aérienne d’Ambala, à proximité du Pakistan, du Cachemire mais aussi de la Chine.

D’autres partenaires potentiels ne sont pas laissés de côté : au printemps 2018, dans le cadre de la mission Jeanne d’Arc, des navires français avaient accosté en Australie, en Indonésie, à Singapour, en Malaisie, au Vietnam, puis avaient mené, la veille du Shangri-La Dialogue, une opération aux alentours des îles Spratleys, cinq représentants du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) se trouvant à son bord afin d’observer les pratiques de la marine chinoise. Quant à la mission PEGASE[11] qui s’était déroulée du 19 août au 4 septembre 2018, cette dernière avait pour objectif de démontrer l’envergure du dispositif aérien français aux pays visités par l’armée de l’air française. Trois Rafale, un A400M, un A310 pour la logistique et un C-135 pour le ravitaillement devaient ainsi démontrer à l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, Singapour et l’Inde ce que Paris pouvait déployer pour ses partenaires, une opération commerciale aux enjeux également diplomatiques, la menace de Pékin en mer de Chine méridionale constituant entre autres la toile de fond des discussions entre militaires français et asiatiques. Les exercices conjoints et la vente d’armes ou d’expertise constituent d’important éléments dans l’établissement d’une coopération militaire entre la France et d’autres pays d’Asie. Durant la mission PEGASE, l’armée de l’air avait ainsi proposé d’approcher les espaces aériens au niveau desquels la Chine revendique une souveraineté qui n’est pas reconnue par ses voisins. L’Élysée hésitait entre l’option musclée (qui consistait à passer dans un couloir aérien contesté avec l’ensemble du détachement, incluant les Rafale) et l’option plus pacifique (suivre les voies utilisées par l’aviation civile) qui a finalement été retenue.

Ainsi, depuis 1998, le 150ème escadron de Singapour est installé sur la base aérienne de Cazaux, en Gironde, participant à des entraînements conjoints, encadré par des instructeurs français. Dès 2002, et moins d’un an après un sous-marin nucléaire, le porte-avions Charles-de-Gaulle faisait escale à Singapour. De même, à Kuala Lumpur, l’état-major malaisien est conseillé depuis 2015 par un officier supérieur de l’armée de l’air pour la bonne utilisation des quatre A400M commandés en 2005 par la Royal Malaysian Air Force (RMAF), s’ajoutant à la commande en 2002 par la Royal Malaysian Navy (RMN) de deux sous-marins français de classe Scorpene et un d’occasion de type Agosta. Kuala Lumpur avait également acquis douze hélicoptères H225 en 2010 puis six corvettes Gowind en 2013. En France, on apprend également aux spécialistes de guidage indonésiens comment diriger au sol des missions de bombardement. Quant à la Corée du Sud, les partenariats et ventes d’armes conclues avec Paris se sont surtout établis dans le cadre de l’armée de l’air : en 2015, Korean Aerospace Industries (KAI) et Airbus Helicopters ont signé un accord cadre pour commercialiser et entretenir le programme civil et militaire LCH/LAH (Light Civil Helicopter / Light Armed Helicopter), s’ajoutant à la fabrication de l’hélicoptère Surion développé en commun dès 2005[12]. Depuis plus de dix ans, Airbus Helicopters s’est en effet imposée en Corée du Sud, gagnant avec KAI les appels d’offre lancés par le ministère de la Défense sud-coréen et amenés à fournir à Séoul environ 80%[13] de sa flotte militaire. Ce partenariat s’ajoutait également à la joint-venture Samsung Thales qui avait remporté en 2003 un contrat de 470 millions d’euros pour le système de recherche et de suivi pour le deuxième lot de missiles antiaériens à courte portée coréens (K-SAM).

Lors du Shangri-La Dialogue de juin 2019, Florence Parly s’était également montrée particulièrement exhaustive en déclarant aini : « nous continuerons de naviguer plus de deux fois par an dans la mer de Chine méridionale. Il y aura des objections, il y aura des manœuvres douteuses en mer. Mais nous ne nous laisserons intimider par aucun fait accompli. »[14] . Ainsi, lorsque la Chine a adopté une posture beaucoup plus agressive en mer de Chine et plus généralement au sein de l’Indo-Pacifique au beau milieu de la pandémie, le tournant pris par la politique française dans la région dès 2018 s’est vu justifié. En janvier 2020, l’Indonésie, qui avait déjà signé un partenariat stratégique avec la France en 2011, montrait son intérêt pour acquérir certains de ses équipements, alors que les tensions entre Jakarta et Pékin étaient au plus haut et que l’Indonésie avait annoncé une hausse de son budget de défense de 16,2%[15] pour l’année 2021. Le 13 janvier 2020, le ministre de la Défense de l’Indonésie, Prabowo Subianto, rencontrait ainsi Florence Parly, tandis que le journal français La Tribune déclarait tenir de plusieurs sources les signes prometteurs de la signature d’un contrat entre Jakarta et Paris, écrivant : « selon des sources interrogées par La Tribune, Jakarta est intéressé par 48 Rafale, jusqu’à 4 sous-marins Scorpène armés de missile Exocet SM39 et par deux corvettes Gowind de 2 500 tonnes. »[16].

La Chine désormais en Europe grâce aux routes de la soie : une ingérence dont se méfie la France

Lors de son discours du 8 janvier 2018 prononcé à Xi’an, Emmanuel Macron plaidait pour une coopération franco-chinoise mais aussi sino-européenne dans les domaines politiques, sociaux, environnementaux et économiques, dénonçant à demi-mot l’isolationnisme américain. Et bien que soutenant cet ordre multilatéral dont Xi Jinping s’était fait également le chantre lors du forum de Davos de janvier 2017, Emmanuel Macron mettait déjà en garde la Chine et exprimait ses attentes et ses conditions vis-à-vis du projet « One Belt One Road » (一带一路), lancé en 2013 par Xi Jinping. Il déclarait ainsi : « quand on construit une relation d’amitié, c’est une coopération équilibrée que l’on cherche »[17]. Il ajoutait : « aussi, ce multilatéralisme qui est à redéfinir implique de trouver les coopérations équilibrées à inventer pour le siècle qui s’ouvre. Il ne saurait être une suprématie déguisée et il ne saurait être le conflit entre des suprématies concurrentes. »[18]Enfin, il se montrait encore plus explicite concernant les routes de la soie : « elles ne peuvent être les routes d’une nouvelle hégémonie qui viendraient en quelque sorte mettre en état de vassalité les pays qu’elles traversent […] La transparence, l’interopérabilité, l’ouverture dans la passation des marchés publics, le respect des règles de concurrence, de propriété intellectuelle, le partage des risques sont des sujets que nous traitons ensemble dans le cadre du G20. […] Ils devront aussi nourrir cette philosophie nouvelle et ce sera au cœur du dialogue que nous aurons à conduire »[19]. Les derniers points évoqués par Emmanuel Macron à propos de la transparence, de l’interopérabilité, de la réciprocité, des règles de concurrence, et de la propriété intellectuelle sont en effet autant d’éléments qui justifient un mécontentement français et plus largement européen dans le commerce fait avec la Chine.

Un problème relevé par Emmanuel Macron dès 2018 mais aussi lors de la réunion sino-européenne tenue le 22 juin 2020[20] qui nuit aux relations franco-chinoises dans le domaine des affaires concerne la protection de la propriété intellectuelle avec le pillage de données auxquelles sont confrontées les sociétés étrangères et françaises. Au détournement de brevets, s’ajoutent les cyberattaques dans les domaines de télécoms, de l’énergie, de l’aéronautique ou de la santé (comme ce fut le cas avec des hôpitaux européens tel l’AP-HP durant la pandémie), qui posent d’autant plus problème que les liens entre les organes de sécurité, l’Armée populaire de libération et de nombreuses entreprises chinoises sont avérés.

Par ailleurs, la France, comme la plupart des pays européens, se retrouve dans une situation de déficit commercial avec la Chine. Lors de sa première visite en Chine en 2018, Emmanuel Macron avait insisté sur l’importance de rééquilibrer les relations commerciales (avec un déficit commercial de plus de 30 milliards d’euros sur un déficit total de 65 milliards d’euros en 2017[21]), mais ses désirs ne sont pas devenus réalité. Bien au contraire, le déficit commercial entre les deux pays s’est même creusé et ce, notamment dans le cadre de la pandémie avec une diminution des exports français vers la Chine. Sur ces douze derniers mois, le déficit commercial entre la France et la Chine était ainsi de 36, 584 milliards d’euros[22].

L’autre point qui fâche dans les relations économiques entre la France et la Chine, et plus globalement entre l’UE et Pékin, est celui des investissements. A l’échelle européenne, des négociations avaient été lancées en 2013 pour obtenir un Accord sur l’investissement (à la fois pour assurer une meilleure réciprocité et une meilleure transparence, les entreprises chinoises bénéficiant d’aides d’Etat, pratique interdite pour les entreprises européennes), un Accord qui n’a toujours pas été conclu aujourd’hui[23]. Si le stock d’IDE français en Chine est supérieur au stock d’IDE chinois en France du fait de l’ancienneté de la présence française en Chine, « les investisseurs français ne bénéficient pas du même niveau d’ouverture en Chine que leurs homologues chinois sur le marché français et européen. »[24] Par ailleurs, « les investissements français en Chine semblent ralentir ces deux dernières années, sous l’effet de divers facteurs : perte de compétitivité, saturation de certains marchés, lassitude face aux difficultés du climat des affaires. » En effet, la part du stock d’IDE français dans le stock d’IDE total chinois n’a fait que diminuer au cours des années : en 2014, la part était de 1.976%, en 2015, de 1.960%, en 2016, de 1.895%, en 2017, de 1.726% et en 2018, de 1.593%[25]. Concernant la « difficulté du climat des affaires », la tendance s’est en effet encore durcie sous la présidence de Xi Jinping. Suivant les vingt premières années de l’ère Deng Xiaoping, les exigences de la Chine ont considérablement augmenté vis-à-vis des entreprises étrangères, et ce, à mesure que Pékin rattrapait son retard technologique. Ainsi, le secteur étatique chinois conserve un poids écrasant dans certains domaines stratégiques (naval, aéronautique, énergie, défense) et s’immisce toujours plus dans les autres branches. Les entreprises étrangères sont par exemple soumises à la mise en place de cellules dans lesquelles ont lieu des séances de critiques et autocritiques, de marxisme et d’analyse de la pensée de Xi. « La tendance générale est davantage à la préférence nationale qu’à l’ouverture accrue du marché aux entreprises étrangères »[26].

Concernant les investissements étrangers en Europe, Emmanuel Macron avait par ailleurs exprimé son inquiétude dès son premier Conseil européen, le 22 et 23 juin 2017, proposant d’instituer un instrument qui puisse contrôler les IDE en Europe, ciblant les acquisitions par des groupes chinois d’entreprises européennes. Cependant, cette proposition avait rencontré une certaine résistance à l’époque, notamment de la part du Portugal, de la Grèce et de l’Espagne, des pays dans lesquels les investissements chinois sont très importants, et justifiant ainsi la crainte d’Emmanuel Macron à propos d’une Chine qui divise l’UE à travers son influence économique qui peut parfois se muer en ingérence politique[27]. Pour tenter de parer à cette division européenne avec laquelle la Chine a su toujours jouer, et ce, même au plus fort de la pandémie, Emmanuel Macron avait également convoqué Angela Merkel et l’ancien président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker lors de la visite de Xi Jinping à l’Élysée le 26 mars 2019, afin de faire un front européen commun face à la Chine et à ses « routes de la soie » qui inquiètent Paris. Le double discours prononcé par Emmanuel Macron à Nice et à Paris illustrait ainsi une méfiance accrue de la France vis-à-vis de l’ « expansionnisme chinois », qui contrastait avec le soutien relatif (mais sous réserve) du Président français concernant les « routes de la soie » exprimé à Xi’an. Le 26 mars 2019, il se montrait en effet encore plus explicite qu’en 2018 : « Nous avons des divergences, évidemment l’exercice de la puissance dans l’histoire de l’humanité ne va pas sans rivalités. Nul d’entre nous n’est naïf. Nous respectons la Chine […] et nous entendons naturellement de nos grands partenaires qu’ils respectent, eux aussi, l’unité de l’Union européenne comme les valeurs qu’elle porte pour elle-même et dans le monde »[28]. Du 4 novembre au 6 novembre 2020, il s’était également rendu en Chine en compagnie du commissaire à l’agriculture Phil Hogan qui allait bientôt prendre le poste de commissaire au commerce. Enfin, dans un climat de tensions accrues avec Pékin, des mécanismes européens vont être mis en place pour protéger le marché européen, et ainsi, le marché français de toute forme de concurrence déloyale mais aussi d’ingérence politoco-économique[29]. Le 9 septembre 2020, la Cour des comptes d’Europe a ainsi publié un rapport mettant en garde les Etats-membres sur « l’offensive de l’empire du Milieu en matière d’investissements »[30] avec Pékin qui aurait ainsi investi 150 milliards d’euros en Europe entre 2010 et 2019[31]. En octobre 2020, un règlement européen sur le filtrage des investissements directs étrangers entrera en vigueur.

Huawei : un bannissement implicite à la française

Dès 2012, le comité du renseignement de la Chambre aux Etats-Unis avertissait que Huawei pouvait constituer une menace pour la sécurité nationale car son équipement de télécommunications pourrait être utilisé par le gouvernement chinois pour espionner les citoyens américains. Depuis, les sanctions américaines contre le géant de télécommunications se sont multipliées et ce, plus particulièrement dans le cadre de la guerre commerciale entre Washington et Pékin. Ces tensions avaient finalement conduit au bannissement de Huawei aux Etats-Unis en 2018, imités par l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et Taiwan. La question des menaces posées par Huawei à la sécurité nationale de chaque pays qui utiliserait les équipements chinois a pris de l’ampleur dans le cadre de la pandémie, conduisant de nombreux pays européens à revoir leur dispositif de télécommunications et de 5G.

Dès janvier 2020, le Premier Ministre anglais Boris Johnson proposait de restreindre l’accès de Huawei aux réseaux mobiles de nouvelle génération (5G). Fin mai, l’Agence britannique pour la cybersécurité (NCSC) examinait à nouveau les « risques éventuels pour la sécurité du pays posés par les équipements Huawei, suite à la décision américaine d’interdire l’accès au géant chinois à des composants électroniques conçus par des firmes américaines. »[32] Le rapport du NCSC, déposé le 6 juillet au ministère de la culture et du numérique, avait ainsi conclu que les sanctions américaines – l’interdiction décidée en mai d’utiliser des composants électroniques fabriqués aux Etats-Unis, notamment – impactaient Huawei et rendaient ses services moins fiables. Ce rapport avait une nouvelle fois provoqué des menaces de la part de Pékin, l’ambassadeur à Londres Liu Xiaoming déclarant : « nous voulons être vos amis, vos partenaires, mais si vous voulez faire de la Chine un Etat hostile, vous devrez en assumer les conséquences »[33]. Mais les menaces n’ont servi à rien, bien au contraire : le 14 juillet, le gouvernement Johnson a confirmé que Huawei serait banni des réseaux de téléphonie mobile 5G en deux temps. Ainsi, les opérateurs du Royaume-Uni n’auront plus le droit d’acheter du matériel Huawei à partir du 1er janvier 2021 et auront jusqu’à 2027 pour remplacer les logiciels et machines 5G mis en place avant le 31 décembre.

En France, suite au bannissement américain de Huawei en 2018, la question s’était posée de manière plus accrue dans les cercles politico-économiques. Dans le cadre de la pandémie, les services de renseignement français avaient également exprimé leur méfiance vis-à-vis de Huawei : alors que Pékin était accusé dès le 7 avril par un élu américain de « vouloir troquer la livraison de masques à la France contre l’adoption, par Paris, du réseau 5G proposé par l’entreprise chinoise Huawei »[34], conduisant Zhao Lijian, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, ainsi que l’Elysée à démentir, selon les services de renseignement français, « Huawei aurait bien proposé des masques aux entreprises françaises pouvant lui être utiles dans son expansion. »[35] En France, depuis une loi de 2019[36], l’Agence nationale de sécurité des systèmes de l’information (Anssi) est également chargée d’autoriser ou d’interdire l’utilisation d’équipements conçus par Huawei. Dès février 2020, alors que le gouvernement français devait se prononcer sur les demandes d’équipements Huawei de la part des opérateurs pour déployer la 5G, le porte-parole de l’ambassade chinoise en France avait publié un communiqué particulièrement agressif, menaçant de « prendre des mesures de rétorsion à l’égard de Nokia et d’Ericsson »[37] si la France venait à discriminer Huawei. Le 7 juillet 2020, le patron de l’Anssi confirmait également un durcissement de la politique française vis-à-vis de la firme de Shenzhen dans un entretien avec les Echos : « Les opérateurs qui n’utilisent pas Huawei, nous les incitions à ne pas y aller car c’est un peu le sens naturel des choses. Ceux qui l’utilisent déjà, nous délivrons des autorisations dont la durée varie entre trois et huit ans. »[38] Ainsi, on peut parler de bannissement progressif : Free et Orange qui n’utilisent pas les équipements Huawei sont encouragés à continuer sur cette lancée tandis que SFR et Bouygues disposent d’un sursis de trois à huit ans qui n’a qu’un seul objectif, leur permettre d’organiser les démantèlements d’équipements Huawei dans le temps. Bouygues et SFR vont devoir progressivement démonter les antennes et autres équipements Huawei pour les remplacer dans 3000 sites. Bouygues a par ailleurs l’interdiction d’utiliser les produits Huawei dans quatre villes qui sont stratégiques d’un point de vue de sécurité nationale : Brest abritant la base de sous-marins nucléaires de l’île Longue mais aussi un port militaire, Toulouse étant le fief d’Airbus, Rennes et son centre de cybersécurité, ainsi que Strasbourg. Ainsi, en 2028, tous les équipements Huawei auront disparu des zones très denses.

Cette décision illustre également le décalage entre la communication officielle de la France, dans laquelle il est question de coopération et de non-discrimination entre Pékin et Paris dans l’établissement d’un réseau 5G, et la position officieuse de Paris qui, dans les faits, cherche à écarter Huawei de son réseau de télécommunications et ne diffère pas des positions britanniques, beaucoup plus en diapason avec le discours officiel. Et on retrouve cette ambiguïté française dans l’approche d’Emmanuel Macron vis-à-vis de la Chine sur d’autres dossiers comme la question des droits de l’homme.

Dégradation de la situation humanitaire à Hong Kong et dans le Xinjiang, une question sur laquelle la France reste timide, notamment dans le cadre de la « realeconomik »

La première venue d’Emmanuel Macron en Chine le 8 janvier 2018, accompagné de plus de cinquante dirigeants d’entreprises telles qu’Airbus, Dassault, Sodexo, Auchan, avait déjà été interprétée par les observateurs chinois comme l’expression d’un pragmatisme économique du président et de l’importance qu’il accordait aux relations avec la Chine (voir à ce sujet l’article de Yves-Heng Lim publié dans Asia Trends #3 « Un renouveau du partenariat stratégique franco-chinois ? La visite du président Macron vue de Chine »). Les partenariats économiques franco-chinois sont importants dans de nombreux domaines : produits agricoles, industrie de pointe, produits pharmaceutiques, services financiers, aéronautique, énergie, protection de l’environnement, préservation des ressources, économie verte. Les entreprises adhérentes du comité France-Chine créé en 1979 réalisent par exemple 100 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Chine, les échanges franco-chinois pesant pas moins de 65 milliards d’euros et 11% des exportations françaises allant vers la Chine[39]. Par ailleurs, Emmanuel Macron qui s’était illustré par la faiblesse de sa réaction vis-à-vis de la mort de Liu Xiaobo le 12 juillet 2017, avait, dans ses discours de 2018, également refuser de mentionner les questions des droits de l’homme mais aussi de droit international[40] dans la majorité de ses discours prononcés en Chine. Un choix dans la continuité de François Hollande qui ne s’était pas exprimé sur l’incarcération d’Ilham Tohti en 2015, ouïgour qui avait été l’invité officiel du Quai d’Orsay en 2010. Emmanuel Macron déclarait ainsi de manière très implicite dans son discours du 8 janvier 2018 à Xi’an : « il y a des différences entre nous qui sont liées à notre histoire, à nos philosophies profondes, et à la nature de nos sociétés ». Puis il ajoutait auprès de journalistes lors de la visite d’une galerie d’art à Pékin : « je peux me faire plaisir en donnant des leçons à la Chine en parlant à la presse française. Ça s’est beaucoup fait, ça n’a aucun résultat. […] Il y a les discussions, pas devant les journalistes, pas de manière ouverte, en tête-à-tête, et qui peuvent être utiles et donner des résultats. C’est celles-là que je favorise. »[41] Emmanuel Macron définissait sa politique alors en cours et toujours d’actualité, celle d’éviter toute déclaration publique sur les « questions qui fâchent » sans pour autant les ignorer.

Dès l’été 2019, les manifestations à Hong Kong contre la loi d’extradition, un nouveau revers contre la démocratie partielle de la ville toujours plus menacée par l’influence de Pékin, avaient suscité l’inquiétude des différents pays occidentaux. Mais à cette époque, le silence des hommes politiques français était illustrateur de cette volonté de ne pas froisser Pékin. Jean-François Césarini, président du groupe d’amitié France-Taiwan, avait ainsi signé le 8 août 2019 avec une vingtaine d’autres députés de LRM une lettre ouverte afin de dénoncer le « silence assourdissant des responsables politiques français »[42]. Cette lettre était restée sans réponse mais l’Élysée et le Quai d’Orsay avaient fini par s’exprimer sans trop de verve sur le sujet, Jean-Yves Le Drian déclarant dans un communiqué publié le 14 août sur le site du ministère que la France était attachée aux avantages du statut d’autonomie du territoire hongkongais que sont « l’Etat de droit, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’autonomie du système judiciaire ». Cependant, Emmanuel Macron s’était de nouveau illustré par son silence vis-à-vis de la question hongkongaise ou de la répression subie par les Ouïghours lors de sa visite en Chine en novembre 2019, se contentant d’appeler au « dialogue » et à la « retenue ». Cette timidité, sinon cet aveu de faiblesse, était en partie justifié par les règles de la diplomatie et le rôle tenu par le Chef de l’Etat français mais témoignait surtout du positionnement de la France, soumise économiquement à la Chine et craignant les risques de représailles en exprimant son opinion.

Cependant, une fois la loi sur la sécurité nationale adoptée à Hong Kong le 30 juin 2020, une ligne rouge était franchie. Le 8 juillet, lors d’une audition devant la Commission des affaires étrangères du Sénat, Jean-Yves Le Drian promettait ainsi de « ne pas rester inactif » face à la mise en place de cette nouvelle loi, déclarant : « il y a vraiment une rupture par rapport à la loi fondamentale de 1997, par rapport au principe « un pays, deux systèmes » […] donc on ne va pas rester comme ça. »[43] Encore une fois, les menaces de la part de Pékin n’ont pas manqué, Zhao Lijian décrétant alors : « les affaires de Hong Kong relèvent des affaires intérieures de la Chine et aucun pays n’a le droit de s’en mêler »[44]. Ces propos n’ont pas empêché la France d’annoncer le 3 août la suspension de l’accord d’extradition signé le 4 mai 2017 avec Hong Kong. Cette mesure, également prise par l’Allemagne quatre jours plus tôt, par le Royaume-Uni le 20 juillet mais aussi par le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, constitue sans aucun doute l’affirmation d’une politique française plus sévère vis-à-vis de la Chine, bien que restant moins symbolique que les mesures prises par Londres, Taipei ou Canberra pour accueillir des Hongkongais sur leur sol.

La question des Ouïghours a également gagné en ampleur dans la société française, mais timidement. Dès 2015, les autorités chinoises avaient mis en place dans le Xinjiang un appareil de sécurité draconien, qu’elles avaient renforcé en 2017 dans le cadre d’une campagne luttant contre l’extrémisme religieux (去极端化). Les différents rapports publiés par le chercheur allemand Adrian Zenz ont notamment encouragé la prise de conscience internationale et française sur la politique chinoise dans le Xinjiang. Ses études ainsi que les témoignages de victimes Ouïghours recueillis par plusieurs associations de défense des droits de l’homme ou des images diffusées sur le web, comme la vidéo de prisonniers ouïghours publiée en 2019 sur YouTube mais devenue virale en 2020 et sur laquelle Liu Xiaoming avait été interrogé le 19 juillet 2020 par un journaliste de la BBC, semblent corroborer les faits selon lesquels au moins un million d’individus seraient enfermés dans des camps de « ré-éducation », les femmes y subissant des stérilisations forcées qui constituent les signes d’un génocide ethnique. Cependant, ce ne serait que depuis 2019 qu’il y a eu une « énorme avancée dans le traitement de ce sujet par la presse française »[45], estime Dilnur Reyhan, présidente-fondatrice de l’Institut ouïghour d’Europe, et qui ajoute que cette nouvelle couverture médiatique serait née de la diffusion des China Cables, rendus publics en novembre 2019. A l’étude publiée le 29 juin 2020 par la Jamestown Foundation diffusant notamment l’enquête d’Adrian Zenz, se sont également ajoutées les sanctions américaines avec Donald Trump promulguant le 17 juin une loi pour sanctionner les responsables chinois coupables de « l’internement de masse » des Ouïgours et plaçant le 21 juillet 2020 sur une liste noire 11 entreprises chinoises « impliquées dans des violations des droits humains », les actions de sensibilisation lancées à partir du mardi 30 juin par les membres de l’Alliance interparlementaire sur la Chine (IPAC)[46], ainsi que la déclaration commune émise le 30 juin par le Royaume-Uni et signée par 27 pays dont la France et l’Allemagne pour alerter Michelle Bachelet, Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, sur la politique chinoise dans le Xinjiang. Autant d’éléments qui ont donné une visibilité grandissante à la situation des Ouïgours et une forme d’impulsion. Ainsi, Jean-Yves Le Drian a haussé le ton le 21 juillet, dénonçant devant l’Assemblée nationale des « pratiques inacceptables » de la Chine puis, devant les sénateurs, déclarant le 22 juillet à propos de ces pratiques : « nous les condamnons avec beaucoup de fermeté. » Jean-Yves Le Drian, dont le ton particulièrement sévère sur cette question pourtant connue de la France depuis plusieurs années était inédit, est également passé à l’étape supérieure en intervenant devant les députés le 28 juillet pour demander cette fois-ci qu’une mission internationale indépendante soit mise en place sous la direction de l’ONU afin d’enquêter sur la politique chinoise dans le Xinjiang. Plus récemment encore, Emmanuel Macron a répondu le 6 septembre 2020 à une lettre qui lui avait été envoyée en juillet et cosignée par une trentaine de parlementaires, dont le député Aurélien Taché (ex-LREM), qualifiant « les camps d’internement, les détentions massives, les disparitions, le travail forcé, les stérilisations forcées, la destruction du patrimoine ouïgour et en particulier les lieux de culte, la surveillance de la population et plus globalement tout le système répressif mis en place dans cette région » de « pratiques inacceptables » que l’Etat français condamne « avec la plus grande fermeté ». Autant de déclarations inédites dans la bouche d’un Président qui n’était jusque-là pas très féru de la diplomatie déclaratoire, préférant laisser les diplomates français user de mots crus dans leurs différents écrits concernant l’appareil répressif chinois tandis que l’exécutif publiait des communiqués à la rhétorique plus évasive.

Ces différents discours sur la crise de Hongkong et la situation des Ouïghours qui, de prime abord, paraissent bien légers face aux sanctions et actions prises par les Etats-Unis, reflètent néanmoins un changement de politique française vis-à-vis des questions des droits de l’homme. D’une certaine manière, la pandémie a renforcé des antagonismes déjà à l’œuvre et la fin de la naïveté française vis-à-vis de Pékin a pris forme.

La pandémie : une France malade qui ne pardonne pas

L’épidémie en elle-même constitue un problème entre la France et la Chine. Le manque de transparence de Pékin aux conséquences sanitaires très graves a tout d’abord été vivement critiqué en France : la Chine a prévenu très tardivement l’OMS alors qu’un médecin à Wuhan, Li Wenliang, avait déjà lancé une alerte en décembre 2019 puis avait été sommé de se taire par les autorités locales. Il a été récemment prouvé que Xi Jinping disposait d’informations sur un foyer potentiel d’épidémie bien avant le 7 janvier, puisqu’il s’agissait de la date de réunion du comité permanent du politburo (中央政治局常务委员会分开会议) pour discuter d’une stratégie de gestion du coronavirus en provenance de Wuhan[47]. La France ainsi que les 26 autres membres de l’UE faisaient ainsi partie des 62 pays à soutenir l’Australie dans sa demande pour une enquête indépendante sur l’épidémie du virus. C’est également lors d’une interview accordée au Financial Timesle 16 avril 2020 qu’Emmanuel Macron exprimait son désaccord vis-à-vis des pratiques chinoises dans la gestion de la crise, se montrant particulièrement critique. Il déclarait ainsi : « il n’y a pas de comparaison entre les pays où l’information circule librement et les citoyens peuvent critiquer leurs gouvernements et ceux où la vérité a été supprimée. Compte tenu de ces différences, des choix faits et de ce qu’est la Chine aujourd’hui, que je respecte, ne soyons pas assez naïfs pour dire qu’elle a beaucoup mieux géré cela. Nous ne savons pas. Il y a clairement des choses qui se sont produites que nous ne savons pas. »[48] Le 3 septembre 2020, le chef de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus a également annoncé la création d’un comité indépendant d’évaluation dont fait partie le Français Michel Kazatchkine, spécialiste du sida. Ce dernier déclarait d’ailleurs : « l’OMS a eu une certaine complaisance à l’égard de la Chine. Et le fait qu’elle ait envoyé une mission en Chine, puis qu’elle ait été à ce point laudative de la façon dont la Chine a répondu crée un malaise et une impression de biais, on ne peut pas le nier. »[49]

A ce manque de transparence dénoncé par Paris, s’ajoute une diplomatie particulièrement agressive de la part de la Chine. Cette diplomatie agressive, surtout aux débuts de la pandémie, mêlait ainsi aide sanitaire et discours dénigrant l’Occident de la part de Pékin. En effet, contaminée la première et disposant de plusieurs semaines pour endiguer la vague de contamination qui a ensuite touché l’Europe et le reste du monde, la Chine a profité de ce décalage chronologique pour faire de sa gestion de la crise un modèle sanitaire à exporter mondialement. Le 16 avril, Xi Jinping avait ainsi trente-six communications avec d’autres dirigeants de la planète. Quotidiennement, le journal télévisé de CCTV-1 diffusait des images de colis chinois acheminés dans les pays du monde entier, sur lesquels était inscrite la phrase « China aid for shared future », soit « Aide chinoise pour un avenir partagé ». Plus de 170 spécialistes chinois de la santé se sont rendus en Europe, en Afrique et en Asie du Sud-Est. La « diplomatie des masques », instrument de réécriture de l’histoire par Pékin dont la réputation internationale a été ternie par le virus en provenance du sol chinois, a fortement déplu par son caractère intéressé, qui contraste fortement avec l’aide taïwanaise apportée dans la discrétion et l’humilité[50] . Les divisions au sein de l’Europe qui se sont alors manifestées ne sont pas nouvelles mais il est certain que Pékin a su les utiliser lors de sa campagne d’aide sanitaire. La Serbie, candidate à l’UE, s’est montrée la plus enthousiaste, sa relation avec Pékin étant définie par la Chine comme « une amitié de fer ». Le président Aleksandar Vucic à la tête d’un pays qui avait déjà installé dans trois villes serbes les technologies de surveillance Huawei[51] déclarait ainsi le 15 mars 2020 : « la solidarité européenne n’existe pas, c’est un conte de fées sur papier »[52]. De même, Luigi Di Maio, membre du parti Cinque Stelle eurosceptique, a « déclaré que cette aide confortait la stratégie de son parti, qui cherche à prendre ses distances avec l’Union européenne »[53]. Autant d’éléments qui n’ont pas plu à la France, se faisant le chantre de l’intégration et de la coopération européenne et ce, face à la Chine.

L’agressivité dans le discours chinois était également inédite, usant d’une désinformation aux dépens de la diplomatie qui a profondément agacé les pays européens. Zhao Lijian, le porte-parole du ministère des affaires étrangères, suggérait ainsi dès la mi-mars que le virus pourrait avoir été importé par l’armée américaine dans la province de Hubei. Des médias officiels chinois ont également déclaré que le virus était peut-être originaire d’Italie et non de Wuhan, rapportant les soi-disant dires d’un chercheur italien réputé, le néphrologue Giuseppe Remuzzi qui a rétabli la vérité en s’entretenant avec Il Foglio. Plus récemment, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi déclarait lors de sa visite le 27 août 2020 en Norvègeque le virus n’était pas nécessairement d’origine chinoise, une affirmation qui contraste avec les propos récents de la virologue Li Meng-Yan, cette dernière déclarant le 12 septembre 2020 détenir les preuves selon lesquelles le virus a bien été conçu en laboratoire. Le fils du président Jair Bolsonaro qui accusait la Chine d’opacité, avait également été insulté par l’ambassadeur chinois au Brésil d’avoir contracté « un virus mental » lorsqu’il avait rencontré Donald Trump en Floride. Et Paris n’a pas été épargné par ces propos peu diplomatiques : le 12 avril 2020, l’ambassadeur chinois en France Lu Shaye[54] publiait ainsi sur le site officiel une lettre (sans doute écrite par l’ambassadeur lui-même) intitulée « Rétablir des faits distordus. Observations d’un diplomate chinois en poste à Paris. » Le texte vantait à la fois la gestion chinoise de la pandémie, critiquait les mesures prises par les sociétés occidentales, s’en prenait aux hommes politiques et médias « occidentaux antichinois […] inventant des mensonges », et finissait par attaquer personnellement la France, accusant les personnels soignants des Ehpad d’avoir « abandonné leurs postes du jour au lendemain […] laissant mourir leurs pensionnaires de faim et de maladie. » Autant de déclarations qui ont amené le Quai d’Orsay à convoquer par voie téléphonique Lu Shaye le 14 avril et à adopter un ton ferme face à ces « propos [qui] ne sont pas conformes à la qualité de la relation bilatérale »[55] entre la France et la Chine.

Le 8 septembre 2020, au Grand Palais du peuple (北京人民大会堂), était également célébrée la « lutte sans relâche pour remporter la grande victoire du socialisme aux caractéristiques chinoises dans la nouvelle ère »[56] (夺取新时代中国特色社会主义伟大胜利而不懈奋斗) ainsi que « la victoire à Wuhan, la victoire au Hubei, la victoire en Chine » (武汉必胜、湖北必胜、中国必胜). Durant cette cérémonie, il s’agissait une nouvelle fois de vanter la gestion de la crise sanitaire comme la manifestation de la supériorité du système politique chinois sur l’Occident. « La lutte de la Chine contre l’épidémie a pleinement démontré l’esprit chinois, la force chinoise et la responsabilité de la Chine » (中国的抗疫斗争,充分展现了中国精神、中国力量、中国担当), déclarait Xi Jinping pour ensuite ajouter « la lutte contre la nouvelle épidémie de coronavirus a obtenu des résultats stratégiques majeurs, démontrant pleinement les avantages significatifs de la direction du Parti communiste chinois et du système socialiste chinois » (抗击新冠肺炎疫情斗争取得重大战略成果,充分展现了中国共产党领导和我国社会主义制度的显著优势). Enfin, l’échec des sociétés occidentales dans la gestion de la crise sanitaire était mentionné mais de manière plus implicite : « Un aspect important de la mesure du succès et de la supériorité du système d’un pays est de voir s’il peut donner des ordres de toutes parts et organiser les parties pour faire face aux risques et défis majeurs […] Cette lutte contre l’épidémie a fortement démontré la supériorité du système national et du système de gouvernance nationale de notre pays » (衡量一个国家的制度是否成功、是否优越,一个重要方面就是看其在重大风险挑战面前,能不能号今四面、组织八方共同应对【。。。】这次抗疫斗争有力彰显了我国国家制度和国家治理体系的优越性。)

Quatre personnalités ont été distingués durant cette célébration : l’expert des maladies respiratoires Zhong Nanshan, Zhang Boli, promoteur de la médecine traditionnelle chinoise, Zhang Dingyu, le responsable de l’hôpital à Wuhan Jinyintan, ainsi que Chen Wei, une scientifique militaire. 500 établissements, 186 membres du PCC et 14 membres à titre posthume, 1499 personnes ainsi que 150 organisations de base du parti ont également été récompensés. Li Wenliang, déclaré « martyr » en avril, n’en faisait cependant pas partie.
Xi Jinping n’a pas manqué d’inclure dans cette « victoire nationale » les Hongkongais et surtout les Taiwanais, dont la gestion s’est pourtant construite en opposition avec celle de la Chine, transparente, apaisée et plus performante, puisque Taiwan n’a même pas dépassé la barre des 10 morts. Xi Jinping déclarait ainsi : «  je voudrais exprimer ma profonde gratitude aux compatriotes de Hong Kong, aux compatriotes de Macao, aux compatriotes de Taiwan et aux Chinois d’outre-mer qui ont activement fourni une assistance » (向踊跃提供援助的香港同胞、偶们同胞、台湾同胞以及海外华侨华人,表示衷心的感谢).

Dans son discours, il était également question d’aide sanitaire distribuée dans le monde entier, reprenant la rhétorique mise en place dès le mois de mars. « Du 15 mars au 6 septembre, la Chine a exporté un total de 151,5 milliards de masques, 1,4 milliard de combinaisons de protection, 230 millions de lunettes, 209 000 ventilateurs, 470 millions de kits de test et 8041 thermomètres infrarouges […] La Chine a aidé à sauver la vie de milliers personnes dans le monde » (从3月15日至9月6日,我国总计出口口罩1515亿只、防护服14亿件、护目镜2.3亿个、呼吸机20.9万台、检测试剂盒4.7亿人分、红外测温仪8014万件【。。。】中国以实际行动帮助玩久了全球成千上万人的生命).

Le terme devenu à la mode pour désigner les diplomates chinois belliqueux mentionnés précédemment est celui des « loups combattants », en référence au blockbuster chinois « Wolf Warriors » sorti en 2015 et mettant en scène des soldats chinois sauvant le monde. Et si les médias du monde entier s’interrogeaient en avril et en mai sur les résultats sur le long terme de cette rhétorique agressive de la part de Pékin, il semble que les récents évènements de l’actualité confirment l’aspect contreproductif de cette dernière, contre lequel différents intellectuels occidentaux mais également chinois (comme Shi Zan, directeur du Centre de politique mondiale à l’université des affaires étrangères de Chine à Pékin, ou encore l’économiste Hua Sheng) avaient pourtant mis la Chine en garde.

L’ouverture du bureau d’Aix couplée à l’échec de la visite diplomatique de Wang Yi

En effet, la récente visite du ministre des Affaires étrangères Wang Yi à Paris le 28 août, censée arrondir les angles, préparer la rencontre entre Xi Jinping et les dirigeants européens du 14 septembre et apaiser les tensions entre la France et Pékin, semble s’être soldée par un échec économique et politique pour la Chine. Sans surprise, les différents dossiers précités étaient les questions essentielles sur lesquelles Wang Yi préférait ne pas s’attarder (Mer de Chine, Hong Kong, Xinjiang, déficit commercial, pandémie, problème d’investissement) ou voulait au contraire aborder (Huawei). Les interprétations de cette rencontre avec le chef d’Etat français ont été nombreuses. Pourtant, bien que critiqué par une partie des médias français et occidentaux pour son silence (du moins en public) sur la question de la communauté Ouïghour et la répression draconienne des libertés à Hong Kong, Emmanuel Macron est en réalité resté fidèle à son pragmatisme politique pouvant parfois être interprété comme de l’ambiguïté : en effet, peu partisan des grands discours sur les droits de l’homme qui risquent seulement de nuire aux relations franco-chinoises, il n’a cependant fait aucune déclaration publique suite à la visite de Wang Yi, comme il est pourtant d’usage. De même, le Quai d’Orsay s’est contenté de diffuser un communiqué dans lequel étaient écrites de façon très laconique les déclarations suivantes : « le ministre a rappelé les graves préoccupations de la France quant à la dégradation de la situation des droits de l’Homme en Chine, en particulier à Hong Kong et au Xinjiang ». Encore une fois, l’absence de conférence de presse était révélatrice de la position française prenant ses distances avec une Chine qui agace sur plusieurs dossiers. Enfin, l’annonce de l’ouverture du nouveau bureau de Taipei par le Ministre des Affaires étrangères taïwanais Joseph Wu et dont s’est réjouie Tsai Ing-wen seulement trois jours avant l’arrivée de Wang Yi à Paris n’était pas due au hasard et constituait un nouveau signal adressé à Pékin. Wang Yi était également invité le 30 août à l’IFRI (la veille, la façade avait été taguée « Stop au génocide des Ouïghours » puis immédiatement recouverte) où il n’a fait que répéter le discours habituel concernant Hong Kong et le Xinjiang. Ainsi, « ce qui s’y passe relève des affaires intérieures chinoises et les autres pays n’ont pas à interférer ». Quant à la stérilisation forcée des femmes Ouïghours évoquée par l’eurodéputée et ancienne ministre des affaires européennes Nathalie Loiseau, Wang Yi a répété les propos de Liu Xiaoming, insistant sur le fait que la population dans la région avait augmenté depuis 1949, sans se préoccuper du ratio Han/Ouïghours. Enfin, pour ce qui est de l’accord sur l’investissement si cher à Emmanuel Macron et les autres pays européens, sa réponse n’a pas inspiré confiance, sachant que, selon lui, il n’était « pas utile de se noyer dans les détails techniques », pourtant essentiels dans la rédaction de ce genre de texte.

Cette « distanciation politique » (en plus de celle « sociale » comme en témoigne la photo d’Emmanuel Macron touchant Wang Yi seulement du coude et qui a suscité de nombreuses réactions, dont les commentaires négatifs de Raphaël Glucksmann ou de Dilnur Reyhan) a également eu un écho européen. L’Italie, le pays qui a été le premier pays du G7 à signer un accord cadre comprenant 29 protocoles différents sur les « routes de la soie » en mars 2019, a ainsi été la première étape du voyage de Wang Yi. Si deux accords commerciaux importants, l’un sur l’exportation de produits alimentaires par l’Italie, l’autre sur la fourniture de gaz naturel par la Chine, ont été signés avec Luigi Di Maio pour renforcer le pacte de coopération bilatérale, le président du Conseil des ministres Giuseppe Conte a refusé de s’entretenir avec Wang Yi au téléphone. Par ailleurs, Luigi Di Maio n’est pas non plus resté silencieux sur la situation actuelle à Hong Kong. Au même moment, Nathan Law, président du parti pro-démocratie Demosisto dissous suite à l’adoption de la loi sur la sécurité nationale, participait à une conférence de presse sur le totalitarisme chinois organisée à Rome. Lorsque Wang Yi s’est rendu aux Pays-Bas, différents manifestants ont crié sur son passage « Wang Yi rentre chez toi », tandis que la commission des Affaires étrangères du Parlement l’avait invité à venir discuter des questions des droits de l’homme. Le chef du gouvernement néerlandais Mark Rutte n’a pas non plus épargné Wang Yi, abordant la question de Hong Kong et du Xinjiang lors d’une conférence de presse commune, tout comme ce fut le cas de Stef Block, le ministre des Affaires étrangères, lors d’une conversation qui devait pourtant être consacrée avant tout aux échanges économiques. En Norvège, pays non membre de l’UE, mais d’intérêt stratégique aux yeux de la Chine du fait de sa localisation géographique dans l’Arctique et avec lequel Pékin était en froid du fait de l’attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo en 2010, Wang Yi n’a pas pu s’empêcher de réitérer des menaces alors que certains prétendent que le prix pourrait être donné cette année à des opposants pro-démocratie de Hong Kong, s’opposant « fortement contre toute tentative d’utiliser le prix Nobel pour interférer dans les affaires internes chinoises. » De même, Wang Yi s’est une nouvelle fois fait le porte-parole d’une rhétorique chinoise propagandiste qui avait lassé bien des pays en Europe aux débuts de la crise, décrétant qu’il n’était pas certain que le virus du covid-19 ait émané de la Chine. En Allemagne, trois députés, Gyde Jensen (FDP, parti libéral démocrate), Maragarete Bause (Verts) et Michael Brand (CDU) ont rédigé une lettre commune pour appeler le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas à ne pas se « laisser instrumentaliser ». Heiko Maas a ainsi affirmé son soutien aux Hongkongais et à aux Ouïghours en demandant à la Chine représentée par Wang Yi de « permettre aux Nations Unies d’envoyer un observateur indépendant dans les camps où se trouvent des Ouïghours »[57] mais aussi d’organiser des élections à Hongkong. Devant le ministère des affaires étrangères, des centaines de personnes ont manifesté, dont Nathan Law. Et lors de cette conférence de presse du 1er septembre, Wang Yi n’a pas pu s’empêcher de condamner la visite à Taiwan de la délégation tchèque menée par le président du Sénat Milos Vystrcil, déclarant : « il s’agit d’un acte de provocation flagrant qui a dépassé les bornes. C’est un acte de soutien au sécessionnisme de Taiwan […] Le gouvernement chinois et le peuple chinois n’adopteront pas une attitude de laisser-faire ou ne resteront pas les bras croisés, ils lui feront payer un lourd tribut pour son comportement à courte vue et son opportunisme politique ». Autant de menaces qui ont fait immédiatement réagir le président de la commission des affaires étrangères au Bundestag, Norbert Röttgen (CDU), affirmant qu’il s’agit là d’un « affront diplomatique et démocratique ». Heiko Maas a également apporté son soutien et s’est exprimé au nom d’un front européen commun : « Nous, Européens, agissons en étroite coopération. […] Nous offrons à nos partenaires internationaux le respect et nous attendons exactement la même chose d’eux. Les menaces n’ont pas leur place ici. »

En effet, l’élément le plus retentissant pour Taiwan a bel et bien été la visite du 30 août au 4 septembre de la délégation tchèque[58] de quatre-vingt-dix personnes, comprenant entrepreneurs, responsables politiques, journalistes, scientifiques, menée par le président du Sénat Milos Vystrcil. La visite, suivant celle du secrétaire américain à la santé Alex Azar, était très symbolique en elle-même et porteuse d’un message d’amitié fort, mais Milos Vystrcil est allé encore plus loin. Lors d’un discours prononcé le 1er septembre à l’université nationale de Taiwan (台大), il déclarait ainsi en mandarin : « Je suis un Taïwanais » (« 我是台灣人 »), insistant sur un point essentiel, et pourtant négligé par beaucoup d’autres pays européens, qu’est l’identité taïwanaise qui se distingue de l’identité chinoise, certes sur le plan politique mais surtout et avant sur le plan culturel, souvent méconnu des étrangers. Dans ce discours, il exprimait également « l’espoir que d’autres hauts représentants politiques, par exemples de pays européens ou de l’Union européenne, prendront progressivement conscience de leur « retard démocratique » et se rendront eux aussi bientôt à Taiwan ».

Les visites du 3 au 4 septembre en Europe du Sud de Yang Jiechi, responsable des relations internationales au sein du Parti communiste, n’ont pas été plus concluantes. Tout comme les autres dirigeants européens avec Wang Yi, la ministre des affaires étrangères espagnole Arancha Gonzales a laissé en suspens la question de la 5G et de Huawei, préférant évoquer la situation dans le Xinjiang, à Hong Kong et insister sur l’importance de la liberté de navigation en mer de Chine du Sud. Sur ce dossier, le premier ministre grec Kyriakos Mitsokakis a également été très clair, déclarant : « la Grèce peut et veut discuter la définition des zones maritimes en mer Égée sur la base du droit international et pas de la menace ». Si la Turquie est le premier pays visé par ces déclarations, il s’agit d’une accusation à peine voilée contre les pratiques de la Chine en mer de Chine méridionale, au mépris du jugement international de la Cour permanente d’arbitration (CPA) qui a statué en faveur des Philippines en 2016.

Plus récemment, dans une tribune publiée le 14 septembre 2020 dans le « Monde », neuf experts et députés européens, dont Nathalie Loiseau, Raphaël Glucksmann ou encore Reinhard Bütikofer ont également appelé « l’Union européenne à revoir sa « politique d’une seule Chine » et à soutenir Taiwan » et à « signifier clairement à la Chine que si cette dernière s’oriente vers le recours à la force, elle encourt de graves risques, notamment, celui d’une rupture politique et économique avec les démocraties européennes, qui ne se soumettront pas à son diktat. »  A cette même date, se tenait également la rencontre virtuelle entre Ursula von der Leyen, Charles Michel, Angela Merkel ainsi que Xi Jinping durant lequel les mécontentements de l’UE vis-à-vis du manque d’efforts chinois pour aboutir à un accord sur les investissements, de la situation des droits de l’homme au Xinjiang (l’UE a ainsi proposé à la Chine l’envoi d’ “observateurs indépendants”), au Tibet et à Hong Kong, ainsi que la pollution engendrée par les centrales chinoises fonctionnant au charbon ont été bien plus visibles au cours de cette réunion que les « résultats tangibles » mentionnés par les représentants européens à travers quelques propos de circonstance.

Ainsi, sans pour autant dire comme Cui Hongjian que « la France a toujours été le concepteur et le leader de l’intégration européenne et [que] la relation franco-chinoise a toujours eu une influence et un rôle particuliers dans les relations sino-européennes »[59], la politique chinoise d’Emmanuel Macron s’est finalement rapprochée de son objectif qu’était la mise en place d’un front européen commun et pas uniquement français face à la Chine. Un front commun qui, en effet, a davantage de pouvoir et de marge de manœuvre face à un pays de plus d’1.4 milliard d’habitants et qui, en tant que deuxième puissance économique et militaire mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité, de l’OMC, du G20 et d’autres organisations internationales, reste une puissance essentielle avec laquelle la France et l’Europe ont tout intérêt à coopérer sans pour autant s’y soumettre.

Sans pour autant être révolutionnaire en soi, l’ouverture du deuxième bureau de représentation de Taipei à Aix-en-Provence ne prend donc que davantage d’importance dans le cadre de ces tensions sino-françaises non négligeables et qui, catalysées par la pandémie, semblent induire un changement de politique française sur plusieurs dossiers. Certes, la réponse française vis-à-vis de la Chine sur différents points comme la question taiwanaise est plus timide que celle de la République tchèque ou d’autres acteurs européens et bien entendu que celle des États-Unis. Certes, l’ambiguïté de la France, semblable à celle, stratégique, des Etats-Unis vis-à-vis de Taiwan et que Donald Trump semble prêt à remettre en question, peut parfois passer pour de la faiblesse et, justement, un manque de considérations stratégiques[60]. Cependant, si pour les raisons économiques et politiques précitées, Emmanuel Macron doit parfois faire preuve de lâcheté et ne peut pas se déclarer ouvertement taïwanais, il n’en devient pas chinois pour autant.

[1] Jean Giraudoux, l’Impromptu de Paris, p67.
[2] Dorian Malovic, « la France soutient Taiwan et met la Chine en colère », La Croix, 27 août 2020.
[3] « l’OMS doit pleinement collaborer avec Taiwan », l’Obs, 31 mars 2020.
[4] « Détroit de Taiwan : incident naval entre la France et la Chine », La Croix, 25 avril 2019.
[5] En effet, bien que la zone de l’Indo-Pacifique déplace l’équilibre géostratégique de l’Asie vers l’Ouest et relie davantage l’Asie à l’Europe, une fois la Mer rouge traversée, le pays européen le plus concerné et le plus impliqué est bien la France avec ses différents territoires d’outre-mer : dans la zone sud de l’Océan Indien, le pays possède les îles de Mayotte et de la Réunion, les îles Éparses, ainsi que les terres australes et arctiques ; dans le Pacifique, à proximité de l’Australie, la Nouvelles Calédonie, Wallis-et-Futuna, Clipperton et la Polynésie française constituent également des territoires stratégiques (l’ensemble représente 33 000 kilomètres carrés), que ce soit en terme de ZEE (environ 9 millions de kilomètres carrés au total), de ressortissants (1,6 millions de citoyens en 2018), ou de zones de déploiement militaire. Ainsi, les Forces armées dans la zone sud de l’Océan Indien (FAZSOI) sont composées de 2000 militaires, celle des Forces armées de la Nouvelle-Calédonie (FANC), de 1660 personnes et celles des Forces armées en Polynésie française (FAPF), de 1180 soldats. A cela s’ajoute les forces de présence à Djibouti (FFDj) et aux Émirats Arabes unis (FFEAU), rassemblant 2100 soldats. (source : ministère des armées, la France et la sécurité en Indo-Pacifique, 2018). Dans cette zone essentielle pour le commerce mondial mais aussi riche en ressources halieutiques, ainsi qu’en nodules polymétalliques et hydrocarbures, la France doit répondre à plusieurs enjeux que sont les trafics illicites, le risque terroriste, la sécurité environnementale et la protection de l’économie. L’initiative d’intervention européenne (EI2) proposée par Emmanuel Macron et lancée en juin 2018 est également un premier pas vers une présence plus européenne et pas uniquement française dans l’Indo-Pacifique : neuf pays dont la Belgique, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne (et le Royaume-Uni à l’époque), se sont déclarés favorables à ce projet et ont signé une lettre d’intention.
[6] Romain Mielcarek, « Le diplomatie du Rafale », Le Monde Diplomatique, 1er décembre 2018.
[7] Ibid.
[8] « Australie et France signent leur colossal contrat pour 12 sous-marins », Capital, 11 février 2019. Cet accord suit la signature en 2016 d’un accord de 38 milliards de dollars pour fournir des sous-marins à la marine australienne.
[9] La France conduit notamment avec les forces d’auto-défense japonaises des exercices conjoints, comme ce fut le cas en mai 2017 à Guam et au niveau des îles Marianne du Sud, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Entre la France et le Japon, différents accords ont été signés, comme celui de sécurité de l’information en 2011, celui sur les équipements de défense et le transfert de technologies en 2015 et l’ACSCA (acquisition et cross-service agreement) en 2018, facilitant la coopération, notamment dans le cadre d’exercices conjoints.
[10] Guillaume Delacroix, « L’Inde prend possession de ses premiers Rafale », Le Monde, 29 juillet 2020.
[11] Lieutenant Lise Moricet, « PEGASE : l’Armée de l’air déploie ses ailes », 28 août 2018. https://www.defense.gouv.fr/air/dossiers/pegase-l-armee-de-l-air-deploie-ses-ailes2/etape-6-le-retour-en-france
[12] Ce programme aurait comme potentiel la vente de pas moins de 600 appareils sur les 20 ans à venir.
[13] Michel Cabirol, « Airbus et KAI vont vendre à l’export les hélicoptères sud-coréens LCH/LAH », La Tribune, 4 novembre 2015.
[14] Yves Bourdillon, « Paris défend la liberté de navigation face à Pékin », Les Echos, 3 juin 2019.
[15] Jon Grevatt, « Indonesia announces strong increase in 2021 defence budget », Janes, 18 août 2020.
[16] Michel Cabirol, « Et si l’Indonésie s’offrait des Rafale et des sous-marins Scorpène ? », La Tribune, 17 janvier 2020. Toujours selon La Tribune, « en 10 ans, Paris a vendu pour 1,36 milliard d’euros d’équipements militaires à Jakarta, avec un pic en 2013 (480 millions d’euros). Cette année-là, le missilier MBDA avait vendu pour plus de 200 millions d’euros un système d’arme sol-air à très courte portée (Mistral 3) et Nexter avait placé 37 systèmes Caesar (115 millions d’euros). »
[17] « Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République, sur les relations franco-chinoises, à Xi’an le 8 janvier 2018 » https://www.vie-publique.fr/discours/204688-declaration-de-m-emmanuel-macron-president-de-la-republique-sur-les-r
[18] Ibid.
[19] Ibid.
[20] Cette réunion avait rassemblé par visioconférence la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président du Conseil Charles Michel et Xi Jinping, ainsi que le Premier Ministre Li Keqiang. Ursula von der Leyen s’était montrée très claire, exprimant son insatisfaction concernant le déficit commercial entre l’UE et la Chine, l’absence d’accord sur l’investissement et la situation actuelle à Hong Kong. Le compte-rendu de cette réunion rappelait également la notion de « rival systémique » pour désigner la Chine et qui avait fait sa première apparition en 2019 dans la Communication conjointe « sur les relations UE-Chine : une vision stratégique ».
[21] INSEE, « Solde CAF/FAB des échanges de la France »
[22] Données du commerce extérieur, « données pays selon la nomenclature agrégée : CN-Chine » http://lekiosque.finances.gouv.fr/site_fr/A129/data_brutes.asp?id=P50CN_Z5550_Z5500
[23] En 2018, les IDE venant de Chine étaient de 175, 3 milliards d’euros contre 59 milliards d’euros pour les IDE venant d’Europe (source : ec.europa), montrant une profonde dissymétrie.
[24] « Investissements croisés France-Chine : entre dynamisme et dissymétrie », DG Trésor, janvier 2018, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/32cc1416-97e6-4343-8423-826e4a3d2cb9/files/a851eead-dce8-408a-8bdd-c16a8e867b4d
[25] « Stocks d’IDE sortant par pays partenaire », données de l’OCDE, https://data.oecd.org/fr/fdi/stocks-d-ide-sortant-par-pays-partenaire.htm#indicator-chart
[26] Alice Ekman, Rouge vif, l’idéal communiste chinois, Ed. de l’Observatoire, 224p.
[27] Ainsi, durant la crise économique de 2008, le terminal à conteneurs du port du Pirée a été racheté par China COSCO Shipping, devenant l’actionnaire majoritaire du port. Et en 2016, Athènes s’était opposée à une déclaration critique de l’UE sur l’attitude de la Chine en mer de Chine méridionale, en plus de poser son veto à une résolution européenne condamnant les positions de Pékin vis-à-vis des droits de l’homme. En 2015, Athènes, Zagreb, Dubrovnik et Budapest avaient déjà insisté pour qu’il ne soit pas fait directement mention de la Chine dans une déclaration européenne à propos d’une décision de justice qui invalidait les revendication chinoises en Mer de Chine méridionale.
[28] « Déclaration de M. Emmanuel Macron, Président de la République sur les relations entre l’Union européenne et la Chine et la préservation du multilatéralisme, à Paris le 26 mars 2019 », 26 mars 2019, https://www.vie-publique.fr/discours/268496-emmanuel-macron-26032019-ue-chine-multilateralisme
[29] Dans leur déclaration du mercredi 17 juin, Thierry Breton, commissaire au marché intérieur et Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence, ont ainsi présenté leurs différents projets pour protéger l’Europe d’entreprises étrangères disposant de subventions publiques. La Commission prépare en effet une directive pour 2021 qui pourrait conduire les entreprises étrangères ne respectant pas les règles de concurrence à une amende, une interdiction d’acquisition, une exclusion des appels d’offres pour des marchés publics ou encore à devoir se séparer d’une partie de leur activité. Différents critères pourront être appliqués, comme le chiffre d’affaires, la taille du marché, l’ajustement carbone aux frontières.
[30] Jean-Pierre Stroobants, « Le poids de la Chine dans l’UE inquiète la Cour des comptes européenne », Le Monde, 11 septembre 2020.
[31] Ibid.
[32] Cécile Ducourtieux, « Le geste de Londres envers les Hongkongais », Le Monde, 2 juin 2020.
[33] Cécile Ducourtieux, « Montée des tensions entre Londres et Pékin », Le Monde, 9 juillet 2020.
[34] Jacques Follorou, « Le traitement de faveur « des amis français de la Chine » face au coronavirus », Le Monde, 7 juillet 2020.
[35] Ibid. La DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), le SCRT (le Service central du renseignement territorial) et la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) ont fourni à l’Élysée des éléments montrant que l’ambassadeur de Chine ainsi que les consuls chinois ont reçu l’ordre de favoriser « leurs amis français », au cœur de la pandémie, en donnant des masques et du matériel médical par exemple. La mairie du 13ème arrondissement, où se trouve une importante communauté chinoise, aurait ainsi reçu 250 000 masques. De même des villes comme Dijon, Nancy, Strasbourg ou Besançon ont bénéficié de la mobilisation des associations chinoises. Enfin, l’ambassade aurait également encouragé « ses amis français » à profiter des jumelages, comme ce fut le cas entre Papeete qui bénéficia d’un don de 50 000 masques auprès du district de Changning, ou de la Réunion qui reçut 350 000 masques chirurgicaux, 12 000 masques FFP2, officiellement du fait de son jumelage avec la ville de Tianjin. Mais la DGSE souligne l’importance stratégique de la Réunion du fait de son positionnement dans l’Océan Indien.
[36] Une proposition de loi qui reprend la plupart du contenu de l’amendement à la loi Pacte rejeté par le Sénat est déposée le 20 février 2019 au Parlement par le groupe LREM, puis est finalement adoptée au mois de juillet. La presse qualifie le texte de « loi Huawei », ruinant les efforts de communication sur le sujet pour ne pas froisser la Chine.
[37] Pierre Manière, « 5G : la Chine appelle la France à ne pas limiter Huawei », La Tribune, 9 février 2020.
[38] Fabienne Schmitt, Florian Debes, « Il n’y aura pas un bannissement total de Huawei », Les Echos, 6 juillet 2020.
[39] Jean-Michel Bezat, « Le « doux commerce » avec la Chine », Le Monde, 1er septembre 2020.
[40] C’est seulement dans son discours du 8 janvier 2018 qu’Emmanuel Macron évoque les règles de droit international concernant la situation de la Crimée et de Jérusalem, sans pour autant se référer aux problématiques liées à Pékin, notamment en mer de Chine méridionale et ce, malgré l’arrêt rendu en juillet 2016 par la Cour permanente d’arbitrage.
[41] « Droits de l’homme : Macron ne veut pas « donner des leçons » à la Chine », L’Orient Le Jour, 10 janvier 2018.
[42] « Hongkong : des députés LRM critiquent le « silence » de la France », Le Monde, 15 août 2019.
[43] « Loi sur la sécurité nationale à Hong Kong : Pékin met en garde Paris après les propos de Jean-Yves Le Drian », France info, 9 juillet 2020.
[44] Ibid.
[45] « Pourquoi la cause ouïghoure peine à prendre en France », Novastan, 16 avril 2020.
[46] Cette Alliance réunissant plusieurs parlementaires de tendances politiques différentes et venant d’une dizaine de pays du monde (Grande-Bretagne, Etats-Unis, députés européens comme l’Allemand Reinhard Butikofer ou la Slovaque Miriam Lexmann, Canada, Nouvelle-Zélande, Australie, Suède, Norvège, Japon) a été fondée le 5 juin 2020. Le but de l’Alliance est de proposer des réponses concrètes aux politiques de la Chine, notamment pour mieux coordonner les politiques des différents pays afin de répondre aux violations des droits de l’homme par Pékin (Xinjiang, Tibet). L’Alliance s’intéresse également à d’autres thématiques comme les nouvelles technologies (5G), le développement durable, le commerce, et les questions du droit international (Mer de Chine, Hong Kong). En termes de parlementaires français, le sénateur André Gattolin (LREM), la députée Isabelle Florennes (Modem) et l’eurodéputé Raphaël Glucksmann ont rejoint l’IPAC.
[47] Pour plus de détails voir le compte twitter de Nectar Gan (https://t.co/BePvfh6PoF ) qui met en évidence le fait que dans un premier temps, le rapport de la réunion publié par Xinhua ne mentionnait pas une seule fois le coronavirus (voir le rapport au lien suivant http://www.xinhuanet.com/2020-01/07/c_1125432339.htm ) alors que dans un second temps, Xi Jinping déclarait que durant cette même réunion, il avait évoqué la question du coronavirus « 1月7日, 我主持分开中央政治局常委会会议时, 就对新型冠状病毒肺炎疫情防控工作提出了要求 »).
[48] Victor Mallet, Roula Khalaf, « Thinking the unthinkable », Financial Times, 17 avril 2020.
[49] « OMS : l’enquête sur la gestion de la pandémie décolle avec la sélection de onze experts mondiaux », Sud Ouest, 3 septembre 2020.
[50] Fin juin, Taiwan avait déjà donné un total de 51 millions de masques chirurgicaux, 1,16 million de masques N95, 35 000 thermomètres frontaux, 600 000 blouses et autres fournitures médicales à plus de 80 pays (source : Jaushieh Joseph Wu : « Il est temps d’accueillir enfin Taiwan au sein du système des Nations unies », Le Monde, 4 septembre 2020). Cette aide avait été fournie sans propagande agressive, comme ce fut le cas avec la Chine décrétant que l’aide apportée aux autres nations était le signe de la « supériorité » de son système de gouvernance, si l’on reprend la terminologie de certains médias officiels tels le Global Times.
[51] A ces quelque 1000 caméras à reconnaissance faciale installées dans plus de 800 endroits de Belgrade sur le modèle de la « safe city », s’ajoutent les autres emprunts faits par la Serbie auprès des chinois pour construire autoroutes, chemins de fer, matériel militaire, industries, etc. Ils représentaient en 2018 12% de la dette extérieure du pays.
[52] L.S, « Entre Belgrade et Pékin, « une amitié de fer » », Libération, 19 juin 2020.
[53] « La Chine tente de redorer son blason, mais gare à l’effet boomerang », Courrier International, 3 mai 2020
[54] Il est à noter que Lu Shaye n’est autre que l’ancien ambassadeur au Canada qui s’est illustré par ses déclarations lors de l’arrestation de Meng Wanzhou, la vice-présidente de Huawei, en 2018 : il avait parlé de « suprématie blanche » pour dénoncer la décision d’Ottawa.
[55] Isabelle Lasserre, « L’ambassadeur de Chine en France recadré par Jean-Yves Le Drian », Le Figaro, 15 avril 2020.
[56] La version intégrale du discours en chinois est disponible au lien suivant : http://www.xinhuanet.com/politics/leaders/2020-09/08/c_1126467958.htm
[57] Benjamin Lawson, « Ouïghours et Hongkong : l’Allemagne lance un appel à la Chine », La Nouvelle Tribune, 8 septembre 2020.
[58] Il est à noter que la République tchèque qui avait attendu beaucoup des investissements chinois pour être finalement déçue ne dépend pas économiquement de la Chine, comme cela peut être le cas pour d’autres pays européens : un économiste évaluait ainsi à « un peu moins de 1% la baisse du PIB en cas d’embargo économique de la Chine » (source : « La visite à Taiwan d’une délégation tchèque provoque la colère de Pékin », Courrier International, 31 août 2020)
[59] « Cui Hongjian : L’exceptionnelle visite d’Emmanuel Macron en Chine » (崔洪建:马克龙破例元月访华), CIIS, 3 janvier 2018.
[60] Ben Hall, « Emmanuel Macron’s low profile on China is strategic », Financial Times, 19 août 2020.

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