En février 2015, Asia Centre a eu l’honneur d’accueillir dans ses locaux le docteur Fukushima Akiko, enseignante à la Tokyo Foundation et spécialistes de la diplomatie publique japonaise. Cette intervention fut l’occasion de rappeler que la notion de « diplomatie publique » n’est employée au Ministère des affaires étrangères que depuis les années 1970 environ : elle recouvre un ensemble d’actions de coopération culturelle ou d’aide humanitaire et au développement conçues non plus de manière ponctuelle, mais afin de répondre à un « Japan bashing » injustifié et avant tout lié aux souvenirs de la Seconde guerre mondiale.
Ce choix d’axer la politique extérieure d’un pays doté d’une Constitution pacifiste sur les échanges culturels « amicaux » a indéniablement eu des effets très positifs : le Japon détient un capital de soft power – tel que Joseph Nye l’a défini – parmi les plus élevés du monde. Les courants de pensée néoréalistes et rationalistes considérant que la diplomatie soft n’est rien si elle n’est pas assortie d’un pouvoir de coercition économique et militaire, pourraient trouver dans le Japon une illustration probante, dans la mesure où sa ligne diplomatique n’a pas empêché l’exécution d’otages japonais ou avant cela, la montée des tensions avec des voisins chinois et sud-coréens plus « hard » dans leur approche du traitement des conflits frontaliers et mémoriels. Mais est-ce vraiment la nature et la structure de la diplomatie publique japonaise qui doivent être incriminés ? Se demander si le Ministère des affaires étrangères nippon a été trop ou pas assez « soft », s’il a été trop alambiqué ou s’est au contraire avancé avec des idées trop simples dans cet Orient – pour lui un Occident – compliqué, revient à négliger l’influence d’autres acteurs étatiques ou non institutionnels impliqués dans ces problèmes.
Ce numéro 37 de Japan Analysis s’intéresse aux évènements récents qui invitent la diplomatie et la politique extérieure japonaises à évoluer pour permettre au Japon de rester un acteur indépendant sur la scène internationale.
Sommaire
– EDITORIAL –
– DOSSIER D’ACTUALITÉ : LE JAPON ET L’ORIENT COMPLIQUÉ –
La « normalisation » du Japon en question : le cas de la prise d’otages japonais par l’État islamique (Antonin Francesch)
Haruna Mikio et Tsuneoka Kōsuke, « État islamique : la politique japonaise au Moyen-Orient remise en question », Sekai, avril 2015 (Traduction d’Arnaud Grivaud)
Satō Masaru et Miyake Kunihiko, « Les points chauds du XXIe siècle que prophétisent l’attaque d’un journal français et l’assassinat de ressortissants japonais », Chūō kōron, mars 2015 (Traduction d’Antonin Francesch)
Faire l’économie d’un débat : état des lieux et enjeux du traitement de la question migratoire sous le gouvernement Abe (Thomas Jouannès)
– REPÈRES –
La presse japonaise en ordre de bataille. Erreur journalistique, Asahi « bashing », et guerre de l’histoire (Nicolas Morishita)
« Silver democracy » : la politique japonaise affectée par le vieillissement démographique (Xavier Mellet)