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Sommet de l’ASEAN à Bangkok et RCEP : un semi-échec repeint aux couleurs de succès total ?

Thailand (8)

La réunion rituelle de l’ASEAN (le 35ème sommet du nom) qui s’est tenue début novembre à Bangkok a été doublée par le troisième sommet du « Regional Comprehensive Economic Partnership ». Cet accord de libre-échange, si jamais il voyait le jour dans sa forme originellement prévue, concernerait près de la moitié de la population mondiale. En effet il s’appliquerait aux échanges entre les 16 pays supposément inclus, c’est-à-dire les 10 pays de l’ASEAN auxquels se seraient joints l’Inde, la Chine, la Corée, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, regroupant 3,6 milliards d’habitants, pour un PIB moyen par habitant de 7500 USD, c’est-à-dire au total un « marché » supposément supérieur aux marchés américain ou européen.

Les avancées de ce « partenariat » alternatif au défunt TPP (Transpacific Partnership) sont d’autant plus réelles que son rival a désormais été jeté aux oubliettes du multilatéralisme officiellement honni par les États-Unis de Trump, et que la Chine, qui s’est posée en soutien et promoteur du RCEP, en a repris les flambeaux de façon très sonore.  Il faut rappeler que le RCEP avait pris naissance en 2012, alors même que la négociation du TPP était enclenchée, dans la perspective certes douteuse mais encore vivace d’une formalisation pendant le deuxième mandat Obama, qui se termina finalement sur un échec au Sénat, avant que le successeur Trump ne le dénonce, avant de « déchirer » d’autres engagements multilatéraux des États-Unis. Le texte préfigurant une signature définitive du traité en 2020, conclu à Bangkok le 4 novembre dernier, annonce la conclusion d’accords sur vingt chapitres du partenariat, qui porte sur les échanges de biens, de capitaux et de services.

Dans un contexte où la vitalité de l’ASEAN, du moins dans son strict périmètre des dix pays membres, est régulièrement remise en cause par des divergences d’intérêt ou de posture, aboutissant à plusieurs « non-évènements » ou à des effets d’annonces (comme le report régulier de l’AFTA, l’accord de libre-échange entre les pays de l’ASEAN) la proclamation définitive de l’entrée en vigueur prochaine du RCEP aurait donné un réel dynamisme, voire résolu des contradictions régionales majeures outre l’impact d’une telle annonce concernant le plus grand accord mondial sur le commerce, hors OMC. Elle aurait aussi donné tout son sens à l’appellation d’« Indo-Pacifique » malgré l’irritation que ce terme suscite chez les dirigeants chinois.

C’est cependant l’Inde qui a, pour l’instant du moins, réduit la portée du texte, de l’accord et des perspectives. Avec un déficit de plus de 50 milliards de dollars dans son commerce avec la Chine, l’opposition stratégique dans laquelle elle est avec l’autre géant asiatique, et malgré les rencontres relativement fréquentes entre Narendra Modi et Xi Jinping, la dernière ayant eu lieu le 11 octobre dernier, l’Inde a finalement buté, considérant que ses intérêts agricoles et industriels n’étaient pas pris en compte. Le RCEP pourrait donc se faire sans elle, s’il aboutit effectivement en 2020. Derrière les arguments avancés, ce sont les nombreuses implications d’un accord où la Chine apparaît en position de force qui auraient eu raison de l’adhésion indienne.

Dans la perspective d’une conclusion possible l’an prochain, la question de l’équilibrage d’un tel accord, qui regroupe des partenaires (comme l’Australie, elle aussi, très pointilleuse sur les termes de l’accord) alliés par ailleurs dans des accords contradictoires reste donc largement ouverte, malgré le succès de communication évident de Bangkok.

par Jean-François Di Meglio (Asia Centre)

asiacentre.eu