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L’APL nettoie les poubelles de la non-histoire et la réécrit

Hong Kong (protest 2)

Dans la tradition révolutionnaire et communiste de la Chine maoïste, l’armée libère et sert. Quoi que l’on pense de la destinée de l’une de ses devises (« servir le peuple », 我们是为人民服务, comme le Parti lui-même est aussi supposé le faire sans relâche) l’APL, l’armée populaire de libération, vient d’exécuter à Hong Kong une démonstration en apparence déroutante mais chargée de symboles, de renvois à l’histoire et aussi de signes pour le futur en effectuant cette sortie pacifique dans une région « autonome » en proie à la révolte des jeunes démocrates et de ceux qui les suivent.

« Vos débordements nuisent à l’image de Hong Kong, dont nous sommes soucieux avant tout, et à l’ordre public, que nous ne souhaitons surtout pas rétablir par la force mais par la vertu de l’exemple », c’est en quelque sorte le message à la fois fort, habile, indirect et sans doute inattendu pour la population hongkongaise peu familière de la dialectique du Parti qui a été délivré par cette sortie. Quelques centaines de militaires chinois, positionnés dans l’ex-colonie en vertu de l’accord entré en vigueur en 1997, et assurément trop peu nombreux pour être efficaces devant des manifestants en furie, plus convaincants en revanche dans un rôle symbolique, sont sortis ce samedi de leurs baraquements et se sont livrés à un travail de remise en ordre et de nettoyage des dégâts causés par les journées de violence.

Pour ceux qui auraient feint de l’oublier, l’armée chinoise est bien présente à Hong Kong, et, de la même façon que d’autres troupes, policières ou militaires, avaient fait mouvement à quelques kilomètres de là, de l’autre côté de la ligne de démarcation entre la province de Canton et le territoire, ces apparitions sans objectif répressif fonctionnent comme un message double :

  • la retenue chinoise et l’absence d’intervention visible sont délibérées, puisque tout serait en place pour une intervention « contrainte »
  •  et par ailleurs, le maintien de l’ordre étant réservé pour l’instant et selon la « loi fondamentale » qui régit Hong Kong, aux forces de l’ordre hongkongaises, l’idéal chinois pour l’ex-colonie reste une forme de « société harmonieuse » dotée de caractéristiques propres, différentes assurément de celle du Continent.

 

Sans l’armée, il n’y aurait pas eu de victoire du Parti en 1949, et sans le Parti, comme le disait Mao, il n’y aurait pas de « Chine nouvelle ». C’est ainsi une dialectique très pédagogique qui a été mise en œuvre, contrairement aux attentes de nombres d’observateurs, y compris occidentaux, à ce stade de la réflexion chinoise. Jusqu’ici l’impasse où se trouvait Pékin semblait difficile à surmonter, et cela d’autant plus que de nouvelles élections se préparent à Hong Kong dont les candidatures trop marquées par le vent de la révolte ont été bannies. En reprenant la maîtrise des signes et en prévenant toute irritation possible ou commentaire venimeux des « ennemis du régime », la communication chinoise vient de démontrer sa capacité de réaction. Vu d’ici, on peut s’en prendre au côté un peu simpliste du message, voire à la fausse infantilisation des militaires et du public à qui est destinée cette nouvelle image. Il est possible que, même si c’est un « coup d’épée dans les eaux qui séparent Kowloon et l’île de Victoria », ce soit le meilleur message dissuasif à faire passer avant que des choses trop sérieuses ne se mettent en branle.

 

par Jean-François Di Meglio (Asia Centre)

asiacentre.eu