Jean-Yves Colin
A cours des dernières semaines, les 2 et 9 mars, la Corée du Nord a procédé à de nouveaux essais de missiles de courte distance puis le 12 mars à des tirs d’artillerie dans le cadre de ses exercices d’hiver. En 2019 cet Etat avait procédé à 13 essais, le dernier en novembre.
Ces événements sont passés largement inaperçus sauf en Corée du Sud. D’une part, les gouvernements et les opinions publiques des pays les plus en relation avec Pyongyang ou intéressés par la situation dans la péninsule coréenne (Etats-Unis, Corée du Sud, Chine, Japon…) sont focalisés sur l’épidémie du Covid-19 et ses conséquences sanitaires, économiques et financières. D’autre part depuis la dernière entrevue entre Donald Trump et Kim Jong-un à Hanoi et le passage du président américain en Corée du sud en 2019, cette situation n’a pas connu de progrès et ces pays ont adopté une attitude attentiste. En décembre dernier le dirigeant coréen avait tiré les conclusions de cet état de fait devant le Parti du Travail et annoncé n’être plus lié pas le moratoire qu’il s’était imposé pour les missiles balistiques de longue distance, et la prochaine disponibilité d’une « nouvelle arme stratégique ».
A quoi donc peuvent servir ces nouveaux essais de mars 2020 ?
Ils servent d’abord à conforter le « moral des troupes » et de l’appareil militaro-industriel nord-coréen, et à conserver l’efficacité de son arsenal militaire. Si les conversations des dernières années entre Washington et Pyongyang avec la participation de Séoul et Pékin n’ont pas débouché sur un accord de dénucléarisation même partiel et progressif, le régime nord-coréen en a profité pour renforcer sa capacité militaire comme il l’avait fait pendant les négociations des années 1990. C’est aussi un opportun contrepoint aux menaces du coronavirus. Si la Corée du Nord affirme toujours ne pas avoir recensé de cas, il est clair qu’elle en craint les effets comme quasiment tous les pays du monde malgré sa fermeture quasi-totale et promeut avec insistance un renforcement de l’hygiène publique. La présence de Kim Jong-un pour le lancement du nouveau Centre Hospitalier de Pyongyang il y a quelques jours (17 mars) en est un signe comme par ailleurs le départ de 290 étrangers et diplomates en postes de la capitale nord-coréenne et des mesures restrictives mises en place.
Ces essais de missiles servent également à se rappeler au «bon souvenir» de ses partenaires ennemis ou amis. D’abord les Etats-Unis mais ceux-ci s’enfoncent dans la crise du Covid-19 et probablement sauf accord majeur d’ici novembre, le Président Trump ne doit pas trouver grand intérêt à la Corée du Nord en vue de sa réélection. Séoul ensuite que Pyongyang cherche à utiliser comme intermédiaire quitte parfois à l’invectiver ou au contraire à l’amadouer comme le montre la récente lettre de Kim Jong-un au Président Moon Jae-in lui souhaitant une bonne santé ainsi qu’à la population sud-coréenne dans le contexte actuel de l’épidémie. Pékin également mais le statu-quo dans la péninsule coréenne est certainement une situation satisfaisante pour les responsables chinois. Tokyo enfin pour lui rappeler la menace que peut faire peser sur l’archipel nippon l’arsenal nord-coréen.
Dans le contexte sanitaire mondial actuel et celui de la crise économique et financière en découlant, il est probable que la Corée du Nord reste un temps certain un sujet non-prioritaire pour beaucoup de dirigeants.