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Vietnam : les autorités face aux enjeux économiques et sociaux de l’après Covid

Vietnam

Jean-Philippe Eglinger. 
Jean-Philippe Eglinger est président et fondateur de Việt Pháp Strategies., société visant à développer les relations d’affaires et universitaires entre la France et le Vietnam. Il est également chargé de Cours à L’INALCO (Vietnamien des Affaires, Filière Interculturelle), au CNAM (Relations Professionnelles) et enseignant-chercheur à l’Université Thang Long de Hanoi (Intelligence Economique, Ecosystème Start Up, internationalisation des PME). 

Dès les premiers signes d’apparition du Covid au Vietnam en janvier 2020, les autorités vietnamiennes ont pris la mesure du phénomène et ont adopté des mesures pour prévenir et traiter la pandémie[1]. Après la résurgence de l’épidémie au Centre du Vietnam en août 2020, le Vietnam ne dénombre officiellement au 17 octobre que 1126 cas et 35 morts[2].Les institutions internationales ainsi que la presse occidentale ont loué les résultats obtenus en insistant sur les modes d’organisation politique[3][4] et sociale[5] en œuvre au Vietnam.

Malgré quelques avis divergents, chacun semble s’accorder sur le fait que le Vietnam a géré cette crise sanitaire de manière très efficace.

Plus récemment, de nouveaux satisfécits sont venus s’ajouter à ceux exprimés dans le domaine sanitaire. Ainsi, de nombreux articles émanant de la presse économique occidentale mettent en avant l’exception économique vietnamienne face à la crise du Covid[6].

Effectivement les indicateurs macro-économiques du Vietnam indiquent que le pays est un des plus résilients de la zone : la croissance du PIB en 2020 devrait se situer à 2,7%. Ces indicateurs sont repris et mis en avant autant par des institutions financières internationales[7] – qui voient dans le Vietnam un pays au « rendement » intéressant – que par les autorités nationales désireuses d’attirer plus d’investissements étrangers. Communication opportune dans le contexte actuel de diversification des chaînes de valeurs des grands groupes internationaux fondée sur l’approche « 1+1 » : une structure de production en Chine, une autre au Vietnam. Financiers, investisseurs internationaux, cabinets d’avocats ou consultants, sont de fait alliés au Parti Communiste Vietnamien dans cette politique d’attraction des capitaux étrangers au Vietnam.

Pourtant, au-delà de cette communication vantant les mérites réels de sortie de crise du Vietnam, le pays doit encore faire face à des enjeux cruciaux pour poursuivre son développement. La crise s’est fait sentir sur les entreprises, la population active, le système bancaire et sur le modèle de  développement lui-même fondé sur la spéculation immobilière et le façonnage. Des problèmes structurels n’ont toujours pas été réglés comme ceux liés à l’environnement, l’urbanisation ou le développement des filières de production vietnamiennes.

C’est dans ce contexte économique et social tendu que les autorités vietnamiennes préparent activement le XIIIème Congrès du Parti Communiste qui devrait se tenir à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. La tâche pour l’équipe montante est considérable…

Les Financiers internationaux et les autorités vietnamiennes satisfaits de la perspective économique après Covid

Il est intéressant de constater comment certaines organisations internationales et journaux occidentaux ont récemment loué les résultats économiques enregistrés par le Vietnam. Au plus fort de la second vague, le magazine Capital indique que : « le Vietnam est le gagnant inattendu de la crise[8] ». L’auteur cite M. John Plassard, spécialiste en investissement chez Mirabaud, qui indique que « notre ex-colonie » [sic] voit son socle économique « encore renforcé » en sortie de crise. Rappelant à juste titre que « son économie est toutefois l’une des seules à ne pas avoir connu un mois de croissance négative », ce qui paraît « invraisemblable face à la violence quasi-historique de la crise. La pire croissance aura été de 0,36% au deuxième trimestre 2020 après une croissance de 3,82% au premier trimestre et 6,79% au dernier trimestre 2019 ». Il met également l’accent sur la hausse des exportations vietnamiennes à destination des Etats-Unis en 2019 et bien sûr l’avantage compétitif que représente la main d’œuvre vietnamienne pour les investisseurs étrangers : « Au Vietnam comme au Cambodge, les travailleurs de l’industrie textile reçoivent un salaire minimum d’environ « 160 euros par mois alors qu’en Chine le salaire mensuel s’élève à 291 euros » »…

Plus récemment, M. Ruchir Sharma, Responsable de la Stratégie chez Morgan Stanley Investment Management, publiait un article dans le New York Time sous le titre « Le Vietnam est-il le prochain « miracle asiatique »[9] »?

Parallèlement à ce satisfecit des financiers internationaux, les autorités vietnamiennes, conscientes de l’impact négatif de la crise du Covid sur les investissements internationaux (-15% sur les 6 premiers mois de l’année 2020), ont décidé de mettre en place un groupe de travail spécial[10], placé sous la tutelle du Ministère du Plan et de l’Investissement, afin de renforcer l’attrait du pays pour les multinationales. L’afflux de capitaux étrangers est d’une importance capitale pour l’économie du Vietnam en termes de croissance (20% du PIB), d’exportations (les entreprises à capitaux étrangers représentent entre 60 et 70% de la valeur des exportations vietnamiennes[11]) comme de développement de ses ressources humaines.

Ces deux composantes : attractivité des investissements étrangers et stimulation des exportations à l’étranger font partie des « 5 fers de lance[12] » du plan de relance économique mis en place par les autorités, à savoir : favoriser l’investissement des différentes composantes économiques vietnamiennes (publiques, privées) ; stimuler les exportations, accélérer le développement de l’investissement public ; encourager la consommation domestique ; attirer les investissements étrangers.

Il est vrai que la situation actuelle est favorable au Vietnam avec la mise en place de stratégies 1+1 par les entreprises internationales qui souhaitent diversifier leurs sources d’approvisionnement et ne plus dépendre uniquement de la Chine. Le Vietnam offre effectivement une bonne alternative. Par ailleurs, la récente signature et entrée en vigueur de l’Accord de Libre Echange entre l’Union Européenne et le Vietnam (EVFTA) permettent potentiellement de trouver de nouvelles marges de manœuvre.

Cette volonté des autorités vietnamiennes de bénéficier des flux d’investissement étrangers explique les messages positifs envoyés au monde économique international. On retrouve d’ailleurs les mêmes types d’articles que l’on pouvait trouver dans les années 1990[13] : articles présentant une « réalité macro-économique » favorable se fondant sur des indicateurs généraux qui cachent, hier comme aujourd’hui, une réalité économique et sociale beaucoup plus contrastée lorsque l’on rentre dans le détail.

Le pays reste à deux vitesses avec des problèmes structurels à régler

La presse locale en langue vietnamienne (qui souvent dépeint une situation économique plus réaliste que celle décrite par la presse ne s’adressant qu’aux seuls étrangers), indiquait en août 2020[14] que « la situation du commerce extérieur subit encore l’impact de la crise du Covid ». A la fin juillet 2020, la valeur totale du commerce extérieur vietnamien se montait à 286,82 milliards d’USD, en baisse de 0,8% (2,18 milliards d’USD) par rapport à la même période de 2019. La valeur des exportations s’est élevée à 147,61 milliards d’USD, en progression de 1,5% (contre une moyenne de 15% les trois mêmes périodes précédentes). Les importations se sont montées à 139,21 milliards d’USD, en baisse de 3% (contre une moyenne de 14% les trois termes précédents).

Cette stagnation (un des principaux moteurs de la croissance vietnamienne) sur les 7 premiers mois de l’année est essentiellement due à la baisse des exportations vers l’Europe (-11,3%)[15]. Il est à noter, que l’Union Européenne, qui vient pourtant de signer et d’activer l’EVFTA a perdu, sur cette période, sa place de deuxième marché d’exportation du Vietnam au profit de la Chine, dont les importations en provenance du Vietnam ont augmenté de 22,1%. En octobre, ces deux marchés se retrouvent au coude à coude derrière les Etats-Unis, pays avec lequel le Vietnam entretient un très fort excédent commercial (34 milliards d’USD sur les 9 premiers mois de 2020). A terme, cela risque de mettre le Vietnam dans une situation délicate face à l’administration américaine pour qui la baisse des déficits commerciaux est un objectif à atteindre[16].

En termes d’Investissements Directs Etrangers (IDE) (autre moteur de la croissance vietnamienne), au 20 juillet 2020[17], le montant total d’IDE en capital enregistré ou en prises de participations avait atteint 18,82 milliards d’USD, soit 93,1% du montant sur la même période de 2019. Le capital déboursé, quant à lui, est estimé à 10,12 milliards USD, soit 95,9% de celui déboursé sur la même période en 2019. Cela grève naturellement les perspectives de croissance.

Par ailleurs, une des caractéristiques du développement vietnamien est qu’il est fondé sur des zones économiques spéciales qui concentrent les capacités de production. De fait, les investissements et les exportations profitent essentiellement à ces zones « spéciales » aux dépens d’autres parties du territoire vietnamien. Même si ces zones sont plus de 320 au Vietnam, les activités des entreprises étrangères de production pour l’exportation sont regroupées autour des principales métropoles que sont Ho Chi Minh Ville, Hanoi, Danang, Haiphong, créant ainsi des poches de « richesse» au milieu de campagnes ne bénéficiant que peu de l’effet de « ruissellement ».

L’impact de la crise sur la globalité de l’économie est difficile à évaluer : Dans un pays où on estime à 30% le niveau de l’économie informelle, il reste compliqué d’établir un bilan objectif de la pandémie… En effet, autant on peut mesurer la fermeture de commerces établis, autant il est malaisé de prendre en compte le sous-emploi, le ralentissement ou l’arrêt des activités des marchands ambulants, des personnes qui font de la récupération de déchets pour le recyclage, etc.

Le magazine Kinh Te Saigon (Economie de Saigon)[18], indiquait en août 2020 que, selon un rapport du Département de Gestion des Enregistrement des Entreprises (Ministère du Plan et de l’Investissement), sur les 7 premiers mois de l’année, quelque 63 461 entreprises avaient dû arrêter leurs activités, un chiffre en hausse de 10% par rapport à la même période de l’année dernière. Cette tendance est à comparer avec la baisse de 15,4% de faillites sur les 7 premiers mois de 2019 par rapport à la même période en 2018.

Cet impact négatif sur la santé des entreprises fut également l’occasion pour certaines entreprises étrangères d’entrer au capital d’entreprises vietnamiennes. Selon le Département de l’Investissement Etranger, de janvier à avril 2020, il y eut 557 opérations de fusions & acquisitions de sociétés vietnamiennes par des investisseurs chinois pour un montant total de 230 millions d’USD[19]. Alors que le nombre de projets d’IDE chinois sur la même période se montait à 135 avec un montant de capital 57 millions d’USD.

Un des principaux secteurs touchés durant le Covid fut indéniablement le secteur du tourisme puisque selon les données du Département Général du Tourisme, le nombre de touristes étrangers qui se sont rendus au Vietnam a atteint 3,7 millions[20], en baisse de 57% par rapport à la même période de l’année dernière. De même, le nombre de touristes domestiques s’est monté à 23 millions, en baisse de 50%. Le taux d’occupation des hôtels sur cette période s’est établi à 20%[21]. Face à cette situation, un programme national a été lancé afin de stimuler le tourisme domestique[22]. En 2019, la branche du tourisme avait enregistré un chiffre d’affaires d’environ 726 000 milliards de VND (soit environ 31 milliards d’USD ; 12,4% du PIB).

Au total, selon un rapport du Département Général des Statistiques[23], la crise du Covid a eu un impact négatif sur 31,8 millions d’actifs[24] au Vietnam (sur un total de 54 millions).

Ce ralentissement économique a aussi un effet négatif sur un secteur clé de l’écosystème vietnamien actuel, à savoir l’immobilier qui est également très lié au système bancaire. Le modèle économique consistant à viabiliser des terrains agricoles et lancer des projets immobiliers à crédit puis de revendre des appartements avec des marges permettant de rembourser la dette et de financer les autres secteurs économiques s’est retrouvé affecté. Selon un Rapport du Département Général des Statistiques, sur les 4 premiers mois de l’année 2020[25], quelque 623 entreprises immobilières ont cessé provisoirement leurs activités, soit une augmentation de 109% par rapport à la même période l’année dernière ; et 279 ont été déclarées en faillite, soit une augmentation de 48,4%. Selon la mairie de Hanoi, la valeur des biens commerciaux (maison avec ouverture sur la rue) a chuté de 30 à 50% par rapport à l’avant Covid. Les prix à la location de ces mêmes biens ont enregistré un recul de de 2 à 7%. Seuls les terrains dans les Zones Industrielles de la Capitale ont enregistré une augmentation d’environ 9%. Ces résultats ont affecté, par effet de ricochet, le niveau des créances douteuses dans le bilan des banques vietnamiennes. Selon le journal Forbes Vietnam, il[26] se montait à 92 615 milliards de VND (environ 4 milliards d’USD) au 30 juin 2020, en hausse de 38,6% depuis le début de l’année 2020. Révélant une certaine fragilité de ce système dans l’économie vietnamienne.

Par ailleurs, outre ce problème conjoncturel du Covid, les autorités vietnamiennes continuent à faire face à un certain nombre de sujets structurels qui impactent également le développement économique et social futur du pays : l’environnement (pollution, déforestation, etc.), la montée des eaux avec la salinisation des zones côtières et des deltas, greniers à riz du pays… Les dernières inondations meurtrières au Centre du Vietnam illustrent cette situation. Glissements de terrains dans les régions montagneuses, impossibilités des autorités de rejoindre les zones isolées viennent nous rappeler que le pays face encore face à de nombreux points qui affaiblissent son développement économique et social.

Cet exemple illustre un des déséquilibres auquel le pays fait face. En effet, le pays est actuellement confronté aux effets secondaires de la politique de croissance à « tout prix ». La construction effrénée de centrales électriques, de bâtiments, d’infrastructures qui impacte fortement l’environnement. Les grandes métropoles deviennent engorgées et figurent parmi les plus polluées au monde alors que certaines parties de la campagne vietnamienne ne bénéficient guère des retombées de la croissance. A n’en pas douter, les enjeux environnementaux deviendront un des principaux sujets politico-économiques dans les années qui viennent.

A ces déséquilibres viennent s’ajouter d’autres comme l’éducation et la technologie, la compétitivité des entreprises publiques[27], les équilibres budgétaires[28]

Les enjeux à venir et la capacité des autorités à orienter le Vietnam dans cette nouvelle phase de développement

C’est dans ce cadre de rééquilibrage économique que les préparatifs du XIIIème congrès du PCV se déroulent comme tous les cinq ans. A cette occasion, environ 1500 délégués[29] seront convoqués pour désigner environ 200 membres du Comité Central duquel émergeront les membres du Bureau Politique, du Secrétariat et du Secrétaire Général… Même s’il s’agit d’un vote, les personnes présentées sont d’ores et déjà en cours d’identification.

Un point qui diffère de la préparation du XIIe Congrès du PCV tout au long de l’année 2015 semble être le consensus « relatif » qui se dégage sur les noms des personnes qui seront amenées à occuper les plus hautes fonctions du Parti et de l’Etat pour les 5 prochaines années.

Il est vrai que le processus de désignation avait été particulièrement mouvementé lors de la préparation du XIIe Congrès où l’ancien Premier Ministre M. Nguyen Tan Dung qui aspirait aux plus hautes fonctions du Parti[30] avait été stoppé dans son ascension par le clan de l’actuel Secrétaire Général M. Nguyen Phu Trong qui avait réussi à se faire réélire à sa propre succession, bénéficiant alors du support des « conservateurs » et de la Chine .

Le processus de nomination relativement « pacifié[31] », ou peut-être moins médiatisé, semble indiquer la volonté des autorités de renouer avec le système de « centralisme démocratique » largement usité dans la société vietnamienne tant au niveau politique, qu’économique ou social…

Sélection interne qui s’accompagne aussi, comme c’est souvent le cas dans une période avant Congrès, d’un certain raidissement des autorités concernant les voix dissonantes. Alors que durant la première vague du Covid des comptes de réseaux sociaux avaient été suspendus[32], on a récemment assisté à l’arrestation de la journaliste vietnamienne Pham Doan Trang[33], interpellée pour « propagande contre l’Etat ».

Aucun leader « charismatique » ne semble actuellement émerger à ce jour au niveau central[34]. D’où la question de savoir si une personne, un clan de pouvoir[35] sera en mesure de porter des réformes fortes pour régler les problèmes structurels auxquels le pays est actuellement confronté.

Comment le pouvoir politique, dont le rôle et les mêmes outils de pilotage ont évolué depuis 1986 au moment du lancement de la politique de Renouveau, va-t-il alors piloter le développement économique et social du pays ? Sachant que les décisions politiques concernent essentiellement la stabilité politique, le cadre réglementaire, l’efficacité de l’investissement public…

Comment ce pouvoir peut-il amener les acteurs économiques locaux et étrangers à remonter la chaîne de valeur ajoutée et éviter ainsi que le Vietnam se retrouve enfermé dans les « poverty traps » dans lequel plusieurs pays de la région semblent s’engluer (Philippines, Thaïlande) ?

Poursuivre la politique de développement de la « composante économique privée » semble être une orientation clairement arrêtée. Le secteur privé vietnamien contribue à hauteur de 40% du PIB[36], représente environ 30% des recettes budgétaires de l’Etat et emploie 85% de la population active, continuant ainsi d’affirmer son rôle moteur dans l’économie vietnamienne[37].

Parallèlement au développement du secteur privé vietnamien, l’amélioration de la qualité des IDE[38], permettant de passer d’une production de façonnage à une production de création est également un sujet au centre des préoccupations des autorités.

En 2018 la société Sud Coréenne qui a investi au Vietnam environ 17 milliards de USD (10 fois plus que le montant des investissements français au Vietnam) avait généré un chiffre d’affaires total de 66 milliards de USD[39], soit environ 28% du PIB. Samsung est également le principal contributeur à l’exportation de téléphones et pièces détachées qui se monte à environ 50 milliards d’USD (2019). La part « vietnamienne (localisée) » se monte selon Samsung à 57% qui s’appuie sur 50 entreprises de support vietnamiennes[40] de rang 1 (contre 4 en 2014). Cette relation investissements étrangers – développement de filières vietnamiennes semble être un modèle vers lequel se concentrent les autorités vietnamiennes sur certains secteurs comme l’automobile, l’informatique[41]

L’enjeu principal restant pour les autorités vietnamiennes de prendre les mesures visant à augmenter cette part de « contenu local » permettant de capter plus de valeur ajoutée. Déjà, les préconisations du XIIe Congrès du PCV indiquaient[42] qu’il convenait de se « concentrer sur la restructuration des industries, des secteurs et des produits pour accroître la richesse nationale, la valeur ajoutée générée, qualité des produits et la compétitivité (de l’économie) ». Cette préconisation qui semble devoir être confirmée par le XIIIe Congrès à venir passera forcément par une montée en gamme des filières vietnamiennes[43].

Cette montée en valeur semble pouvoir s’opérer de différentes manières : soit dans le sillage d’une grande entreprise internationale (Samsung, …) soit par une entreprise privée nationale (Vinfast dans l’automobile) ou par des programmes de développement de filières, à l’instar de ce qui a été fait avec le Projet 844[44] visant à développer l’écosystème des start up au Vietnam. Programme prévoyant la mise à niveau du système de formation universitaire, d’accompagnement financier, etc.

C’est également dans cet esprit de développement de la localisation des produits vietnamiens que l’EVFTA a été signé, notamment en ce qui concerne la nécessité pour les produits vietnamiens d’atteindre un taux de contenu local de 40 à 60% afin de pouvoir bénéficier du label « made in Vietnam ». C’est peut-être là l’occasion pour l’Europe de revoir son positionnement vis-à-vis du Vietnam et de ne plus ne considérer ce pays comme exclusivement une zone de sourcing ou de production à bas coûts, mais aussi un partenaire de long terme sur lequel s’appuyer pour co construire des logiques de chaînes de valeur plus intégrées et entrant dans le cadre d’un développement durable à long terme.

Conclusion

Au Vietnam, L’après Covid fut l’occasion pour les organisations financières internationales publiques ou privées de délivrer un satisfecit au Vietnam pour la façon dont le pays a réussi à maîtriser la pandémie et à atteindre des résultats macro-économiques satisfaisants comparés à ceux des pays voisins.

Bénéficiant de cette communication favorable et des stratégies de diversification des approvisionnements de grands groupes en réponse à la guerre commerciale Chine – Etats-Unis, les autorités vietnamiennes s’efforcent de capter ces flux financiers à leur profit.

Cependant, derrière ces messages positifs se cache une réalité économique plus contrastée. Si l’activité globale reste tirée par le secteur étranger, notamment les exportations, il n’en reste pas moins que l’économie privée domestique vietnamienne, autre moteur de la croissance, est plus durement touchée. Par ailleurs, dans un pays où l’on estime que l’économie informelle représente 20 à 30% du PIB, il est peu aisé d’établir un bilan objectif de la pandémie…

Outre les problèmes conjoncturels liés à la pandémie du Covid, les autorités vietnamiennes doivent toujours faire face à des freins structurels qui peuvent à termes ralentir le développement économique et social du pays comme les problèmes environnementaux, le changement climatique, le différentiel de richesses ville – campagne…

C’est dans ce contexte que se déroulent les préparatifs XIIIe Congrès du PCV. Les autorités vietnamiennes sont soucieuses de poursuivre les préconisations en termes de développement économique notamment sur l’intégration plus fortes aux chaînes de valeurs régionales afin de continuer à mieux capter la valeur produite au Vietnam. Ceci présuppose la mise en place de filières réellement vietnamiennes qui ne pourra se faire que via un investissement important dans le domaine de la formation.

L’ouverture récente témoignée par le Vietnam pour se rapprocher de l’Europe via la signature de l’Accord de Libre Echange est sans doute un moyen pour nos entreprises et universités d’investir ce champ et de soutenir le Vietnam dans sa marche vers la mise en place de ses propres filières, meilleurs moyens pour le pays de créer de la valeur et de s’affranchir du poids économique d’autres acteurs de la région, et en particulier de la Chine.

[1] https://centreasia.eu/la-gestion-du-covid-19-au-vietnam/
[2] https://ncov.moh.gov.vn/
[3] https://foreignpolicy.com/2020/05/12/vietnam-coronavirus-pandemic-success-repression/
[4] https://markashwill.com/2020/05/15/vietnams-coronavirus-success-is-built-on-repression-say-what/
[5] https://www.causeur.fr/vietnam-coronavirus-confucius-jean-noel-poirier-175499
[6] https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/covid-et-croissance-economique-lexception-vietnamienne-1250043
[7] https://www.tradesolutions.bnpparibas.com/fr/explorer/vietnam/le-contexte-economique
[8] https://www.capital.fr/economie-politique/covid-19-economie-le-vietnam-le-gagnant-inattendu-de-la-crise-1379920
[9] https://www.nytimes.com/2020/10/13/opinion/vietnam-economy.html
[10] https://thanhnien.vn/tai-chinh-kinh-doanh/thanh-lap-to-cong-tac-dac-biet-ve-thu-hut-cac-tap-doan-da-quoc-gia-1227852.html?fbclid=IwAR1gbDV-seII-JqU8X81WCp6ogDmFbYVvolRnuzFEmOh4BN6T9piJe7FwYo
[11] https://vneconomy.vn/chiem-725-tong-kim-ngach-xuat-khau-viet-nam-muon-hut-them-von-fdi-20181221142840247.htm
[12] http://baochinhphu.vn/Kinh-te/5-mui-giap-cong-de-phuc-hoi-nen-kinh-te/395234.vgp
[13] https://www.lesechos.fr/1996/04/le-vietnam-surfe-sur-la-vague-du-developpement-1044498
[14] https://tinnhanhchungkhoan.vn/7-thang-xuat-sieu-tang-vot-len-gan-8-4-ty-usd-post248531.html
[15] https://www.customs.gov.vn/Lists/ThongKeHaiQuan/ViewDetails.aspx?ID=1837&Category=Ph%C3%A2n%20t%C3%ADch%20%C4%91%E1%BB%8Bnh%20k%E1%BB%B3&Group=Gi%E1%BB%9Bi%20thi%E1%BB%87u
[16] Récemment l’Administration Trump a dépêché au Vietnam une délégation du FBI pour enquêter sur une cargaison de 1,8 millions de tonnes d’Aluminium à la provenance suspecte et qui devait être réexportée vers les Etats-Unis avec l’étiquette « made in Vietnam »… Source : https://tuoitre.vn/dac-vu-my-den-viet-nam-dieu-tra-gan-2-trieu-tan-nhom-gia-mao-xuat-xu-20191029084725039.htm
[17] https://dautunuocngoai.gov.vn/tinbai/6374/Tinh-hinh-thu-hut-dau-tu-nuoc-ngoai-7-thang-dau-nam-2020
[18] https://www.thesaigontimes.vn/td/307149/hang-chuc-ngan-doanh-nghiep-roi-thi-truong-vi-covid.html
[19] https://vietnambiz.vn/nha-dau-tu-trung-quoc-gia-tang-thau-tom-doanh-nghiep-viet-giua-covid-19-20200501083414806.htm
[20] https://nbtv.vn/news/4/7862/nganh-du-lich-chiu-anh-huong-nang-ne-vi-covid-19
[21] https://dantri.com.vn/du-lich/vang-khach-quoc-te-gia-san-tram-ty-tren-pho-co-ha-noi-dong-cua-phu-bui-20200926095124261.htm?fbclid=IwAR38SJx7AKAySKoLytF6tS5ztN0jTVjYrFdHadikGPG6Kr2azrQHni9DYME
[22] https://cafef.vn/khoi-dong-kich-cau-du-lich-noi-dia-an-toan-roi-du-lich-thoi-20200925090446209.chn
[23] https://www.gso.gov.vn/du-lieu-va-so-lieu-thong-ke/2020/10/bao-cao-tac-dong-cua-dich-covid-19-den-tinh-hinh-lao-dong-viec-lam-tai-viet-nam-quy-iii-2020/
[24] Selon ce rapport, 68,9% des travailleurs du secteur des services ont été touchés par la crise du Covid19 ; 66,4% dans le secteur l’industrie et de la construction ; 27,0% dans le secteur de l’agriculture, de la sylviculture et de la pisciculture.
[25] https://www.thesaigontimes.vn/303507/bat-dong-san-tim-ngach-ton-tai-qua-dich-.html
[26] https://forbesvietnam.com.vn/tin-cap-nhat/no-xau-nha-bang-sau-thang-to-dan-12669.html
[27] https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/jean-philippe-eglinger-a-terme-hanoi-souhaite-ne-garder-que-200-entreprises-a-capital-100-public-134165
[28] https://vnexpress.net/ngan-sach-2019-tham-hut-gan-8-7-ty-usd-4099709.html
[29] Depuis quelques semaines, La presse vietnamienne égraine le nom des représentants des provinces, des organes centraux qui ont été nommés aux postes de Secrétaires du Parti de leurs cellules de rang national qui leur permettront d’assister au Congrès qui devrait se dérouler à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.
[30] Ancien Ministre de l’Intérieur (Affaires internes) et nommé Premier ministre en 2006, M. Nguyen Tan Dung a gravi tous les échelons de l’Etat et du Parti et comptait accéder à la plus haute marche du Parti. Mais certaines affaires (Vinashin entre autres) et son positionnement plutôt « réformateur » lui auront barré la route…
[31] Il existe toujours quelques frictions notamment sur la nomination (ou non) de l’actuel Premier Ministre Nguyen Xuan Phuc touché par la limite d’âge et de quelques personnalités qui ont été attaquées et destituées à l’instar de M. Nguyen Duc Chung, ancien Maire de Hanoi et Secrétaire Adjoint de la Cellule du Parti de Hanoi…
[32] https://www.journaldequebec.com/2020/04/22/facebook-coupable-de-complicite-avec-la-censure-au-vietnam?fbclid=IwAR2MuR_2trz3k1g27Ay5YL1TtxE1YAr5pUqX2rv5Y0Idz7VTYzdhBXTDcOI
[33] https://rsf.org/fr/actualites/rsf-condamne-larrestation-de-la-journaliste-vietnamienne-pham-doan-trang
[34] Les noms qui circulent actuellement pour remplacer M. Nguyen Phu Trong au poste de Secrétaire Général du PCV sont : MM Tran Quoc Vuong, Truong Hoa Binh, Pham Minh Chinh et Nguyen Xuan Phuc. Des affaires et règlements de comptes pouvant potentiellement toucher ces personnes ne sont pas à exclure d’ici la tenue du XIIIe Congrès.
[35] Notion définie dans le livre « Histoire du Viêt Nam de la colonisation à nos jours », Ouvrage collectif sous la direction de Benoît de Tréglodé, Chapitre 4 « l’Etat – Parti », Editions La Sorbonne, 2018
[36] http://tapchitaichinh.vn/su-kien-noi-bat/kinh-te-tu-nhan-viet-nam-dong-luc-phat-trien-va-nhung-ky-vong-moi-318178.html
[37] En 2018, la contribution au PIB de l’économie étatique est de 29,4% (27,7 en 2010) et celle des entreprises à capitaux étranger de 20,3% (15,15% en 2010). En termes de contribution aux recettes du Budget, en 2016, la part de l’économie étatique se montait à 32,3% (contre 45,4% en 2010) et celle des entreprises à capitaux étrangers à 34,4% (26,3% en 2010)
[38] Depuis la première Loi sur les Investissements Etrangers au Vietnam en 1987 jusqu’en 2018, le pays a enregistré 26 438 projets d’investissements étrangers de 129 pays pour un montant total enregistré de 333,83 milliards d’USD. Le Capital déboursé s’est élevé à 183,62 milliards d’USD. (Source : http://special.vietnamplus.vn/thu_hut_fdi)
[39] https://vnreview.vn/tin-tuc-thi-truong/-/view_content/content/2771358/samsung-dong-gop-toi-28-tong-gdp-cua-viet-nam-nam-2018
[40] Công nghiệp hỗ trợ
[41] Ce taux de localisation tombe à 7 – 10% dans la branche automobile et 5% dans le domaine de l’informatique.
[42] https://tulieuvankien.dangcongsan.vn/ban-chap-hanh-trung-uong-dang/dai-hoi-dang/lan-thu-xii/bao-cao-danh-gia-ket-qua-thuc-hien-nhiem-vu-phat-trien-kinh-te-xa-hoi-5-nam-2011-2015-va-phuong-huong-1599
[43] https://www.thesaigontimes.vn/309522/dong-von-dau-tu-rd-va-hanh-trinh-thay-doi-tu-duy-cua-doanh-nghiep.html
[44] http://dean844.most.gov.vn/https://centreasia.eu/produit/lecosysteme-de-linnovation-et-de-la-creation-dentreprises-au-vietnam-jean-philippe-eglinger/

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