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En Corée du Sud (aussi) démarrage de la campagne présidentielle

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Jean-Yves Colin, chercheur associé Asia Centre.

Le 11 octobre, le Président du Parti Démocrate (PD), Song Young-gil, a confirmé la désignation de Lee Jae-myung (56 ans), gouverneur de la province du Gyeonggi depuis 2018, comme candidat à l’élection présidentielle du 9 mars 2022 pour succéder au Président actuel Moon Jae-in qui en application des règles constitutionnelles ne peut se représenter, le mandat présidentiel n’étant pas renouvelable.

Il l’a emporté dans le cadre d’une primaire qui a duré plus d’un mois, avec 50.29% des votants contre l’ancien Premier Ministre Lee Nak-yon (39,14 %) et après le retrait de deux autres candidats et un recours rejeté du candidat vaincu relatif aux modalités de prise en compte des voix de ces deux autres candidats.

Lee Jae-myung est un politicien expérimenté ; déjà candidat à la présidentielle précédente il n’avait été que troisième dans la compétition interne du PD. Né dans la province du Gyeongsang Nord il a fait des études de droit à Seoul et est devenu avocat en 1986. Spécialiste des droits de l’homme et du travail, il a donc un profil comparable au président actuel. Avant d’être gouverneur d’une province, il fut maire de la ville de Seongnam de 2010 à 2018. En revanche, plus que Moon Jae-in, il a la réputation de tenir des propos directs voire abrasifs, et d’avoir des opinions sensiblement plus à gauche au sein du PD. Dans sa déclaration de victoire, il ainsi déclaré qu’il fera en sorte que « la Corée du sud surpasse le Japon, rattrape les pays avancés et finalement assure un leadership mondial ». Dans le passé il a mis en place un « chèque jeunes » à Seongnam, l’a étendu à sa province et s’est prononcé pour un revenu universel de base. A l’instar d’autres candidats et présidents passés il a promis de s’attaquer à la hausse des prix immobiliers, à la maitrise du foncier et aux inégalités sociales en résultant ainsi que de lutter contre la corruption. Il a bien entendu promis d’être le président de tous les coréens au-delà des attaches régionales des uns et des autres, qui ont toujours été importantes en Corée du Sud.

S’agissant du voisin du nord, il s’inscrit dans les pas de Moon Jae-in mais évoque aussi le retour à une politique de sanctions si le régime de Pyongyang devait ne pas évoluer positivement. Quant au Japon, dans ligne progressiste du PD et de la présidence Moon, Lee Jae-myung exige des excuses formelles de Tokyo relatives au sort des « femmes de réconfort », ce qui ne laisse pas augurer d’un changement majeur avec Tokyo où le nouveau Premier Ministre Kishida ne s’est pas montré ouvert dans son discours d’investiture à la Diète.

D’ores et déjà Lee Jae-myung fait l’objet d’attaques personnelles venant du parti conservateur, le Parti du Pouvoir du Peuple (PPP), faisant suite à un scandale mettant en cause la ville dont il fut le maire. Il lui est reproché d’avoir favorisé une petite société de gestion d’actifs, Hwacheon Daeyu et ses filiales dans des opérations foncières communales. Le dirigeant de cette société a été arrêté. Lee Jae-myung nie toute relation avec ce dernier et tout enrichissement. Il est cependant très probable que le PPP ne lâchera pas ce dossier pendant la campagne présidentielle, et ce d’autant que les sondages d’opinion donnent un avantage au candidat du PD contre un candidat conservateur qui reste à désigner. Le Président Moon Jae-in a d’ailleurs demandé une enquête officielle pour apaiser l’environnement politique de cette affaire.

Le PPP doit en effet choisir un candidat et deux personnes semblent aujourd’hui possibles : l’ancien procureur général Yoon Seok-youl et un membre du Parlement coréen, Hong Joon-pyo, plusieurs fois réélu. Certains sondages accordent à Lee 26 % des intentions de vote contre 17 et 15 % à Yoon et Hong, ou 44% à Lee et 33 % à Yoon en cas de duel ; d’autres donnent des résultats très serrés entre eux. Le DP bénéficie de l’avantage d’avoir gagné en avril 2021 les dernières élections générales. De son côté Yoon Seok-youl se présente comme un défenseur de l’éthique judiciaire et avait démissionné de son poste après un conflit violent avec la Ministre de la Justice et de facto le Président Moon, relatif à une réforme judiciaire.

Il est probable que la lutte contre la Covid-19 sera un enjeu électoral. La Corée du Sud a dépassé depuis début juillet le niveau de 1 000 cas journaliers de contamination et a peiné à passer durablement sous celui de 2 000 observés depuis plusieurs semaines (environ 1 300 cas depuis le début de la semaine du 11 octobre). La crainte d’un possible rebond persiste malgré une organisation anti-Covid reconnue comme très bonne par les observateurs étrangers. Les grandes questions nationales que sont la crise immobilière, l’aggravation des inégalités sociales, l’équilibre entre grandes sociétés (les chaebols) et entreprises moyennes, les conflits entre milieux d’affaires, justice et monde politique, ou certains sujets sociétaux comme les très mauvaises performances démographiques coréennes, les questions de l’éducation ou l’égalité hommes-femmes, influeront sur les choix des électeurs. Tout comme les scandales dont les médias sud-coréens se repaissent avec une certaine complaisance : ceux relatifs à Hwaecheon Daeyu ou Korea Land and Housing pour Lee Jae-myung, l’accusation d’abus de pouvoir dans ses fonctions pour Yoon ou d’autres relatifs à des questions davantage personnelles (népotisme, exemptions de service militaire pour des enfants de dirigeants politiques…). L’histoire politique récente de la Corée du sud montre que ces sujets ont eu un impact politique parfois fort. Dans ce contexte, d’autres thème comme la Corée du Nord, le Japon ou les relations avec la Chine et les Etats-Unis sur lesquels Lee et Yoon ont des nuances ou des différences risquent d’être accessoires.

asiacentre.eu