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Campagne présidentielle coréenne : épisode 2, désignation du candidat conservateur

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Jean-Yves Colin, chercheur associé Asia Centre.

Le 11 octobre dernier, le Parti Démocrate désignait Lee Jae-myung pour être son candidat à l’élection présidentielle de 2022 (cf. analyse du 15 octobre). A son tour le parti conservateur, le Parti du Pouvoir du Peuple (PPP) a désigné le sien le 5 novembre.

Au terme d’une primaire de près d’un mois et demi, Yoon Seok-youl l’a emporté avec presque 48 % des suffrages exprimés sur Hong Joon-pyo (41.5 %) et deux autres candidats qui ont recueilli respectivement 7.5 % et 3.2 % des suffrages.

Si trois des candidats étaient des hommes politiques, députés à l’Assemblée Nationale ou ex-gouverneur de la région de l’île de Jeju, Yoon Seok-youl n’en est pas un au sens traditionnel. Âgé de 60 ans il a fait toute sa carrière dans le monde judiciaire ; son dernier poste était celui de Procureur général. Nommé en juillet 2019, il démissionna avec fracas début mars 2021 et engagea alors un parcours politique qui s’achève avec succès par cette désignation.

IL s’est surtout fait connaître de l’opinion publique en 2013 en enquêtant sur les conditions de l’élection de Mme Park Geun-hye à la présidence de la République en 2012 même si auparavant il s’était déjà attaqué au responsable du service national de sécurité et au Ministre de la justice lors de la présidence Roh Moo-hyun. Toutefois c’est surtout depuis sa nomination en tant que Procureur général que sa renommée a grandi. Sa démission a été l’aboutissement de tensions de plus en plus vives et publiques avec le Gouvernement, notamment avec le Ministre de la justice Cho Kuk considéré comme un possible successeur du Président Moon Jae-in.  Cho kuk fut acculé à la démission en octobre 2019 sur fond de projet de réforme de la justice et de scandale personnel. Pour autant les tensions ne s’apaisèrent pas avec ses successeurs.

Lors de son départ Yoon Seok-youl avait déclaré : « l’esprit de la Constitution et la primauté du droit sont en train de s’écrouler et cela sera dommageable pour le peuple ». Ses premiers propos après sa désignation comme candidat du camp conservateur en sont le prolongement ; il a en effet dit vouloir en « terminer avec la politique de division et de colère, de corruption et de pillage » ; il a aussi souligné avoir été le « témoin de la déviance de la politique de l’État par rapport à la Loi à la seule demande du Président ».

Cette thématique de la corruption est profondément enracinée dans la vie politique coréenne. Elle trouve en partie ses origines dans les relations des grandes entreprises (les chaebols) avec l’État sous la présidence autoritaire du général Park Chung-hee dans les années 1960-1970, tout en étant déjà forte sous son prédécesseur Syngman Rhee. Elle a conduit les deux généraux qui ont succédé au Président Park en prison ainsi que plus récemment les deux derniers présidents conservateurs, Lee Myung-bak et Park Geun-hye. Elle fut au centre de la destitution de cette dernière et de la grande vague populaire qui a mené au pouvoir Moon Jae-in dont ce fut un argument fort de campagne présidentielle. Le suicide du Président Roh Moo-hyun en 2009 est dû à des soupçons de corruption concernant son épouse.

Il reste à observer si ce thème central, quasiment unique, des discours de Yoon Seok-youl réussira à rassembler tout le camp conservateur, voire à attirer des électeurs de Moon Jae-in, qui seraient déçus de la récurrence de scandales pendant sa présidence. A l’inverse sa posture de justicier irréprochable et d’intégriste éthique peut finir par effrayer une partie de l’électorat. Sans (encore) s’attaquer directement au candidat progressiste au titre d’une affaire immobilière concernant Seongnam, ville dont il fut le maire, Yoon Seok-youl y a cependant fait allusion dans ses propos récents.

En dehors de Lee Jae-myung et Yoon Seok-youl, deux autres candidats se présentent : Sim Sang-jeung du Parti de la Justice et Ahn Cheol-soo du Parti du Peuple, ce dernier ayant déjà été candidat à l’élection de Maire de Seoul puis aux élections présidentielles de 2012 et 2017.

Un sondage d’opinion conduit au lendemain de la désignation du candidat conservateur donnait une avance à celui-ci (35 % d’opinions favorables) sur le candidat progressiste (30%) et les deux autres candidats (6 et 7 %), soit une inversion par rapport à ceux réalisés après la désignation du candidat progressiste. Pour autant les candidats étant désormais connus, la campagne ne fait que commencer et peut réserver des surprises tant au regard des « affaires », des propositions électorales des candidats et des tensions avec le voisin du nord de la péninsule que de la situation de la Covid-19 et de celle de l’économie coréenne (+4 % prévu pour 2021 après un recul modeste de 0.9 % en 2020), deux domaines qui sont plutôt à porter au crédit de la présidence Moon.

asiacentre.eu