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Le Président Yoon Suk-yeol sort renforcé des élections locales du 1er Juin 2022

Former Prosecutor General Yoon Seok-youl, a front-running presidential aspirant who has People Power Party, poses for a photo with a group of party members in Seoul's Eunpyeong District on Aug. 3, 2021 (2)

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Elu le 9 mars dernier, en fonction depuis le 10 mai, le Président Yoon Suk-yeol voit son autorité confirmée grâce à la victoire écrasante du Parti du Pouvoir du Peuple (PPP) aux élections locales du 1er juin qui constituaient en quelque sorte un « second tour » de l’élection présidentielle. Ces élections concernaient les 8 principales villes de Corée du Sud, 9 provinces, 226 collectivités locales, 872 sièges provinciaux et métropolitains, et 2 988 conseils locaux de niveau inférieur.

Le parti conservateur a gagné 7 des 8 principales villes : dans la grande aire de la capitale coréenne, Seoul où le maire Oh Se-hoon a été réélu avec 59,1 % des voix et une marge de 20 % sur son principal concurrent, un ancien chef du Parti Démocrate (PD), et celle de Incheon toute proche mais aussi au sud-est de la péninsule les grandes villes d’Ulsan, Daegu et Busan.

Cinq des provinces sont gagnées par le PPP : les Gyeongsang du nord et du sud, les Chungcheong du nord et du sud et Gangwon. Le PD a conservé ses places-fortes traditionnelles des provinces de Jeolla du nord et du sud, l’île de Jeju et la province de Gyeonggi où Kim Dong-yeon l’a emporté sur son concurrent du PPP par un écart de seulement 0,15 % des voix.

Sur les 872 sièges provinciaux et métropolitains le PPP en a remporté 540 ; en revanche au niveau des presque 3000 sièges de niveau inférieur, le PD et le PPP font à peu près jeu égal.

Par ailleurs 7 élections partielles à l’Assemblée nationale ont également eu lieu. Le PPP en a gagné 5, portant la répartition à l’Assemblée nationale entre les deux partis à 114 pour le PPP et 169 pour le PD. Le candidat du PD à l’élection présidentielle de mars dernier Lee Jae-myung a été élu à Incheon mais Ahn Cheol-soo, candidat qui s’était rallié à Yoon Suk-yeol puis a dirigé son équipe de transition, a été élu à Seongnam, au sud de Seoul, lieu d’une controverse qui a marqué la période électorale entre les deux principaux candidats et où Lee Jae-myung a assumé des responsabilités locales.

Enfin le taux de participation a été de 50,9 %, en baisse de 9,3 % par rapport aux élections de 2018 et le plus bas après celui de 2002 (48,9 %), malgré une participation importante au dispositif de vote anticipé (20,1 % des votants). Ce taux de participation relativement faible, s’il a été évidemment observé, ne semble cependant pas faire l’objet de commentaires vifs sur une éventuelle crise de la démocratie coréenne.

A quoi tient la victoire incontestable du PPP ?

Tout d’abord il est clair que l’électorat a voulu conforter l’élection de Yoon Suk-yeol qui n’avait été acquise qu’avec un écart faible de 0,7 %, mais avec une participation élevée (77,2%).

Il est difficile à ce stade d’analyser le vote à ces élections locales et l’impact d’une participation faible, selon les classes d’âge ou le sexe des votants. De plus les pesanteurs régionales et les circonstances locales sont évidemment importantes. Au lendemain de la présidentielle, des sondages avaient montré que si pour les votants entre 40 et 60 ans le candidat du PD l’emportait et qu’au-delà de 60 ans, le candidat conservateur représentait plus des 2/3 des votes masculins et féminins, les moins de 40 ans, surtout les plus jeunes et en particulier les hommes, avaient favorisé le futur président, à la différence des femmes hostiles à ses propos qu’elles jugeaient « machistes ». On peut néanmoins penser que la moindre participation aux élections locales a aidé le PPP et non le PD.

Par ailleurs les trois semaines allant de l’intronisation de Yoon Suk-yeol au 1er juin ont vu la visite du Président Biden à Seoul (du 20 au 22 mai). Cet épisode a permis au nouveau Président d’occuper la scène politique, de se mettre en valeur dans la dimension cérémoniale de cette visite et de souligner le thème de la sécurité de la Corée du Sud, plus mobilisateur pour l’électorat du PPP que pour celui du PD. Il est aussi possible que certaines décisions symboliques comme l’ouverture de Cheong Wa Dae, le palais présidentiel, au public et le déménagement des services présidentiels dans un bâtiment plus central à Seoul, aient pu jouer en faveur du PPP.

Sur le fond, et malgré la majorité parlementaire que conserve le PD jusqu’aux prochaines élections générales de 2024, les victoires de Yoon Suk-yeol en mars et du PPP le 1er juin marquent la fin d’une période de domination du camp progressiste. Cette période avait été ouverte par les immenses manifestations populaires au centre de Seoul qui avaient poussé au départ de la présidente Park Geun-hye en 2016-2017, suivi de son incarcération.

Si le PD et le Président Moon Jae-in n’avaient pas promis de « changer la vie », leur arrivée au pouvoir avait coïncidé avec un désir de changement fort, de transparence de la vie publique, d’éradication de pratiques financières contestables, voire de corruption, et de résolution de problèmes structurels de la société sud-coréenne. Or ces aspirations n’ont pas été satisfaites. Les problèmes récurrents de la société coréenne demeurent, le conflit entre pouvoirs exécutif et judiciaire – qui a servi de tremplin politique à Yoon Suk-yeol – s’est envenimé depuis l’automne 2019, et les procès des dirigeants du groupe Samsung pour diverses manipulations financières ont naturellement buté sur la nécessité de ne pas mettre en péril un groupe essentiel à l’économie sud-coréenne, son actionnariat et son équipe de direction. En outre les tentatives de Moon Jae-in pour trouver une voie de dialogue avec Pyongyang ont échoué, conduisant probablement une partie de l’opinion publique à préférer un langage de fermeté face à un voisin du nord imprévisible et peu enclin à concrétiser un processus de paix et de dénucléarisation. Cette situation globale a finalement affaibli le Président Moon et le PD sans que les bonnes performances macro-économiques de son administration et la maîtrise de la crise de la Covid-19 soient portées à leur crédit, et conduit à redonner le pouvoir au parti conservateur. La victoire du PD aux élections générales de 2020 n’aura donc pas eu d’effets durables.

Les commentaires des leaders du PD au lendemain de leur défaite du 1er juin montrent qu’ils sont très conscients de ce changement. Pendant les mois à venir et les deux années les séparant des prochaines élections générales, ces dirigeants devront trouver les moyens de reconquérir l’opinion publique, ne pas réduire le PD à un parti de vétérans des luttes politiques des années 80 contre le régime militaire, et choisir à l’Assemblée nationale, entre opposition systématique et opposition dite constructive.

Quant au Président Yoon, dès le lendemain de la victoire du PPP, la situation s’est rappelée à lui : en mai, l’indice des prix a augmenté de 5,4 % en rythme annuel, le taux le plus élevé depuis 14 ans, avec pour sous-jacent une hausse des prix de l’énergie, des matières premières et produits alimentaires. La Banque de Corée qui a procédé en mai à une cinquième hausse de ses taux directeurs à 1,75 %, a fait part d’une nouvelle estimation de son objectif de hausse des prix de 3,1 à 4,5 % pour 2022 et fermement indiqué que sa priorité est la lutte contre l’inflation et non le risque de ralentissement économique.

Pour le Président Yoon et le PPP, après le temps de la politique vient celui de l’économie !

A cela s’ajoute le lancinante question des relations avec la Corée du Nord, celle-ci ayant effectué le 5 juin son 18ème test de l’année avec le lancement de 8 missiles de courte portée depuis plusieurs sites…et le 3ème depuis l’intronisation du Président Yoon.


 

asiacentre.eu